But de la marque : Byron Sharp et la tyrannie de la majorité

Le but de la marque est la fondation de la stratégie de marque. C’est comme la vision de l’entreprise pour un business. Malheureusement, c’est une notion mal comprise par la plupart des marketers, et sujette à la « tyrannie de la majorité ».

D’après le “Lindy Effect” de Nassim Taleb, chaque année qu’une idée passe sans s’éteindre double son espérance de vie supplémentaire. Ainsi, si un livre est imprimé depuis quarante ans, il peut s’attendre à être imprimé pendant quarante ans. Et s’il survit encore dix ans, on s’attendra à ce qu’il soit imprimé pendant encore cinquante ans après cela. Avant de découvrir l’effet Lindy, je supposais que les idées – en particulier les idées dans le domaine du marketing – avaient une durée de vie finie et limitée. Mais maintenant je n’en suis plus si sûr.

Cela fait plus d’une décennie que Byron Sharp et ses collègues de l’Ehrenberg-Bass Institute ont publié “How Brands Grow” et la popularité de ses lois de croissance semble plus astronomique que jamais.

how brands grow : volume 1 et volume 2 par Byron Sharp

Contexte du but de la marque et des principes de Byron Sharp

Au cours des deux derniers mois seulement, j’ai reçu les marketing handbooks de quatre clients (tous des propriétaires de marques mondiales, tous susceptibles d’être dans votre réfrigérateur, votre placard de magasin ou votre meuble à boissons). Les handbooks ont des titres étonnamment similaires (« L’approche marketing scientifique de [insérez la marque ici] ») et tous les quatre font explicitement référence au livre de Byron Sharp et à ses lois.

Curieusement, ils incluent également tous le but de la marque, dans le but d’établir une approche de brand building à la fois scientifique et socialement responsable.

Virulence et acharnement vis à vis du but de la marque

L’une des raisons pour lesquelles je trouve cela curieux est que Byron Sharp a été extrêmement virulent dans sa dérision du but de la marque. Dans un article de blog de 2017 sur les raisons pour lesquelles les marketers ne sont pas respectés, il a fait écho à la description de Mark Ritson du but de la marque comme « débile » et a remis en question l’éthique de dépenser l’argent des actionnaires pour « votre cause préférée ». Sa conviction apparente est que les marketers qui poursuivent un objectif, ainsi que le profit, ont en quelque sorte honte du capitalisme, alors qu’ils devraient être ses partisans les plus virulents :

Ils devraient défendre fièrement la quantité étonnante de choix qu’offre l’économie de marché moderne (oui, c’est le capitalisme). Si nous, de tous les gens, ne le faisons pas, qui le fera ?

Plus récemment, Byron Sharp a déclaré à Campaign Magazine « qu’en tant que marketers, en particulier dans ce domaine du but de la marque, nous devenons très arrogants », citant l’exemple des marketers qui se sont sentis poussés à reconnaître la crise de Covid dans leur publicité comme un gaspillage particulièrement hubristique [du syndrome d’hubris, ndlt] d’argent. Donc, il me semble étrange que, malgré leur respect évident pour Byron Sharp et ses opinions sur le branding, les marketers persistent à essayer de combiner ses lois fondées sur des preuves avec le concept plus délicat (ou même « débile ») du but de la marque.

Quel est le point de vue de Byron Sharp sur tout cela ?

Peut-être que trop de marketers ont appris leur histoire économique à l’école des beaux-arts ?

Eh bien… je travaille dans le marketing et j’ai étudié l’économie. Il pourrait donc être utile de fournir une perspective basée sur l’histoire économique.

L’un de mes économistes préférés de tous les temps est Harold Hotelling. C’était un statisticien et économiste américain prolifique affilié à l’Université de Stanford, à l’Université de Columbia et à l’Université de Caroline du Nord à Chapel Hill.

C’était un économiste mathématicien, ce que Byron Sharp et ses collègues auraient sans doute approuvé. Il a vécu entre 1895 et 1973 et est le créateur de la théorie de Hotelling, de la distribution du carré en T de Hotelling, du lemme [proposition intermédiaire ou accessoire (d’un raisonnement), ndlt] de Hotelling et de la loi de Hotelling.

Et c’est la loi de Hotelling qui démontre la difficulté d’essayer de combiner les lois de croissance de Byron Sharp avec le concept de but de la marque.

La loi de Hotelling

Elle est apparue dans un article de 1929 sur la « stabilité de l’équilibre » (« Stability in Competition », Economic Journal), motivée par la préoccupation d’Harold Hotelling selon laquelle les partis politiques ont tendance à trop se ressembler et à devenir trop homogènes. Il voulait modéliser si le capitalisme aboutit à une « ressemblance excessive », par opposition, disons, au « choix étonnant » revendiqué par Byron Sharp.

Pour démontrer sa loi, imaginez une rue qui s’étend en ligne droite d’est en ouest, avec des maisons et des habitants également répartis sur toute la rue. Maintenant, disons que vous voulez installer un stand de hot-dogs dans cette rue. L’endroit logique pour positionner votre stand est en plein milieu : toute personne n’a à marcher plus de la moitié de la longueur de la rue pour obtenir un hot-dog, vous créez donc le marché le plus large possible pour votre entreprise naissante. Jusqu’à présent, vos intérêts commerciaux et le bien social sont magnifiquement alignés.

but de la marque : loi de Hotelling - 100% part de marché

Mais ce n’est pas le capitalisme ; c’est un monopole.

Alors, que se passerait-il si nous introduisions deux stands de hot-dogs concurrents dans la rue ? Et que se passerait-il concrètement si les entrepreneurs qui possédaient chaque stand étaient des fans de Byron Sharp ?

La recette de Byron Sharp pour la croissance est assez basique :

  • Bâtissez une « disponibilité physique » (rendez votre marque aussi facile à acheter que possible) ;
  • Bâtissez une « disponibilité mentale » (rendez votre marque aussi distinctive et mémorable que possible).

Bâtir la disponibilité physique

C’est là qu’intervient la loi de Hotelling. Imaginons que nos entrepreneurs commencent aux extrémités opposées de la rue. S’ils y restent, chacun obtient la moitié du marché et personne n’a à marcher plus de la moitié de la longueur de la rue pour acheter un hot-dog.

but de la marque : loi de Hotelling - 50% part de marché

Maintenant, disons que Byron Sharp conseille l’un de nos entrepreneurs de hot-dogs. Son conseil serait de se rapprocher du milieu de la rue pour maximiser sa pénétration du marché ; non seulement l’entrepreneur de hot-dogs capturera toujours toutes les personnes qui vivent à son bout de la rue, mais aussi la moitié la plus proche des personnes qui vivent au bout de la rue du concurrent. Leur part passera de 50 % du marché à 75 %.

but de la marque : loi de Hotelling vs Byron Sharp - 75% part de marché

Si les deux entrepreneurs de hot-dogs suivent les conseils de Byron Sharp, ils s’engageront dans une course vers le milieu. Le résultat net ne sera pas différent pour chaque entrepreneur que s’il était resté à son bout de la rue : les deux stands de hot-dogs atteignent 50 % du marché et la plus grande distance que quelqu’un doit parcourir pour acheter un hot-dog correspond à la moitié de la longueur de la rue.

but de la marque : Byron Sharp vs Byron Sharp - 50% part de marché

Si vous vous êtes déjà demandé pourquoi McDonald’s et Burger King apparaissent souvent l’un à côté de l’autre, ou pourquoi les vendeurs d’un bien spécifique ont tendance à se rassembler dans le même quartier, la loi de Hotelling explique pourquoi.

La loi ne s’applique pas seulement au lieu, mais peut être étendue à la concurrence sur les prix, les produits, la promotion et le positionnement.

Dans toutes ces dimensions, les concurrents capitalistes auront tendance à graviter vers le milieu du marché. Et les concurrents capitalistes qui suivent les conseils de Byron Sharp y arriveront plus vite que les autres.

Variable but de la marque

Que se passerait-il si les propriétaires de hot-dogs étaient motivés par un but de marque ?

Il existe de nombreuses définitions du but de la marque, mais elles impliquent généralement l’établissement d’un :

idéal qu’une entreprise devrait poursuivre, au-delà du simple fait de gagner de l’argent.

Alors, considérons ce qui arriverait à nos entrepreneurs de hot-dogs s’ils tenaient compte du bien social dans leur processus de prise de décision.

L’article d’Harold Hotelling a identifié la position socialement optimale pour les stands de hot-dogs : un quart du chemin à partir de chaque extrémité de la rue. Les entrepreneurs de hot-dogs conservent chacun 50 % de part de marché.

but de la marque : loi de Hotelling + but de la marque - 50% part de marché

Mais les habitants dans leur ensemble sont mieux lotis, car personne n’a à parcourir plus d’un quart de la longueur de la rue pour acheter un hot-dog (contre la moitié de la longueur de la rue, dans les exemples de « pure recherche de profit » ci-dessus). Si vous habitez à l’extrémité de la rue, cela signifie que votre distance de déplacement est réduite de moitié.

À ce stade, chacun de nos entrepreneurs de hot-dogs est confronté à un choix difficile :

  • S’ils sont motivés par un but, ils continueront à positionner leur chariot à un quart de longueur de leur extrémité de la rue ;
  • S’ils sont guidés par les conseils de Byron Sharp, ils se déplaceront vers le milieu de la rue et maximiseront leur portée.

Fondamentalement, ils ne peuvent pas décider de faire les deux : ils devront soit sacrifier leur objectif social afin de maximiser (temporairement) le profit, soit ils devront risquer de sacrifier le profit dans la poursuite de leur objectif social. Réfléchir à l’endroit où vous placeriez votre propre panier vous dira quelque chose sur le type de commerçant que vous êtes.

Bâtir la disponibilité mentale

Ce n’est que la moitié de l’histoire. Les choses deviennent encore plus sombres pour nos résidents si nos entrepreneurs de hot-dogs suivent le reste des conseils de Byron Sharp. Pour renforcer la disponibilité physique, chaque jour, nos entrepreneurs de hot-dogs se font la course au milieu de la rue.

Alors, comment pourraient-ils rivaliser autrement ?

Selon Byron Sharp, il n’y a que quelques stratégies clés pour développer votre marque :

  1. Baisser le prix – mais il considère cela comme « contre-productif » car « une marque doit se développer pour améliorer ses ventes et sa marge ».
  2. Améliorer la qualité du produit pour le même prix – mais cela est rejeté car cela affecte également négativement les marges bénéficiaires (« essentiellement, ces deux stratégies sont similaires et pas attrayantes »).
  3. Innover et apporter des fonctionnalités nouvelles ou améliorées souhaitables sur le marché – cependant, selon Byron Sharp, « ces avantages durent rarement longtemps », il est donc important d’utiliser « l’avantage temporaire » pour améliorer sa quatrième et dernière stratégie de croissance privilégiée.
  4. Investir dans des actifs basés sur le marché – c’est là que la disponibilité mentale entre en jeu. Les entrepreneurs doivent construire leurs marques en développant des « actifs distinctifs » tels que leur nom et leur logo, leur palette de couleurs, leur style typographique, leurs slogans et leur langage graphique, de sorte que toute la publicité et le marketing peuvent être aussi distinctifs et mémorables que possible.

Dans le monde de Byron Sharp, bâtir une disponibilité mentale grâce à des actifs distinctifs ne nécessite aucune idée, signification ou positionnement spécifique (en fait, les propriétaires de marques sont invités à traiter le positionnement et l’identité de marque comme « l’huile et l’eau »).

Juste de la déco

Il s’agit de créer des panneaux de signalisation visuels et verbaux qui ont une apparence et un son distincts de ceux des concurrents, puis d’utiliser systématiquement ces panneaux dans tous les environnements possibles liés aux hot-dogs afin que les consommateurs se souviennent de votre marque – et uniquement de votre marque – la prochaine fois qu’ils veulent un hot-dog.

Ainsi, si nos hypothétiques entrepreneurs de hot-dogs suivent les conseils de Byron Sharp, ils éviteront de baisser les prix, d’améliorer la qualité des produits ou d’innover et vendront plutôt les mêmes hot-dogs, mais commercialisés avec des noms, des logos, des couleurs, des slogans et des emballages qui les rendent distincts les uns des autres.

Qu’en est-il de la stratégie média ?

Byron Sharp est typiquement catégorique dans ses conseils :

En l’absence d’autres preuves, vous pouvez supposer que les médias à forte pénétration attirent également leur public plus souvent.

En d’autres termes, les entrepreneurs de hot-dogs devraient éviter de faire de la publicité dans des médias de niche fragmentés, car cela a non seulement l’inconvénient d’atteindre un plus petit nombre de personnes que les médias de masse (comme la télévision), mais a également l’inconvénient supplémentaire d’attirer ce public moins souvent que les médias grand public.

Où cela laisse-t-il nos habitants de la rue ?

Si nos entrepreneurs de hot-dogs adhèrent aux lois de marketing de Byron Sharp, ils seront servis par deux chariots à hot-dogs intermédiaires, placés juste à côté l’un de l’autre, servant les mêmes types de hot-dogs mais avec des noms distincts, logos, couleurs et emballages. Les deux marques seront annoncées sur les plus grandes chaînes de télévision et éviteront les médias de niche. Et, si vous avez la malchance d’habiter à chaque extrémité de la rue, vous devrez marcher la moitié de la rue chaque fois que vous voudrez un hot-dog.

  • Aucun entrepreneur de hot-dogs n’investira dans le développement d’un meilleur produit.
  • Aucun des entrepreneurs de hot-dogs n’investira dans la variation de son menu.
  • Aucun entrepreneur de hot-dogs ne baissera ses prix.

Nos résidents se verront vendre exactement les mêmes produits, annoncés par exactement les mêmes médias, positionnés exactement dans le même espace, mais avec des placages [signalisation sur véhicule] différents.

but de la marque : Byron Sharp + différence physique en communication - 50% part de marché

Au-delà d’un exercice théorique, une réelle réflexion sur le but de la marque

C’est plus qu’un simple exercice théorique : c’est un problème crucial pour tout marketer qui souhaite associer la pensée de Byron Sharp au but de la marque. Et bien plus est en jeu que la distance qu’une personne hypothétique doit parcourir pour un hot-dog. Parce que les marques qui suivent les conseils de Byron Sharp mettent tellement l’accent sur la maximisation de la pénétration et de la portée, et elles se retrouvent inévitablement au milieu du marché. Plutôt que de créer une « quantité étonnante de choix », les lois de croissance de Byron Sharp exigent une poursuite résolue de la pénétration, au prix de toute forme de différenciation significative.

Distinction ou différenciation ?

La conséquence inévitable de cette priorisation de la « distinction » sur la « différenciation » est que les marques seront de plus en plus déconnectées de la diversité des besoins, des aspirations et des nuances culturelles qui existent dans la plupart des sociétés. Le problème est d’autant plus aigu que vous vous éloignez du « milieu » ou de la « masse » ; plus votre créneau est petit, plus votre minorité est « exotique », plus vous vous éloignez du milieu de la route, plus il est probable que vous serez perdant. Ce n’est pas un nouveau problème ; il existe depuis des siècles et s’appelle la « tyrannie de la majorité ».

Tyrannie de la majorité et but de la marque

Si vous pensez que je brosse un tableau inutilement sombre de l’approche marketing de Byron Sharp, je vous invite vivement à lire (ou relire) ses livres. Ils sont nihilistes sans vergogne :

  • « De nombreux textes marketing parlent de création de valeur, de satisfaction client et d’établissement de relations. Cela rend la profession du marketing beaucoup plus honorable. »
  • « Les marques sont un mal nécessaire. »
  • « Ne vous laissez pas prendre au sens de tout cela. »
  • « Plutôt que de rechercher une différenciation significative et perçue, les marketers devraient rechercher un caractère distinctif dénué de sens. »

Tout cela est déjà assez grave si seule une poignée de marques adhèrent au programme de croissance de Byron Sharp, mais lorsque toutes les plus grandes marques d’un marché suivent ses conseils, cela entraîne une réflexion de groupe :

  • tout le monde finit par cibler le même public ;
  • ils ciblent tous leurs produits sur les besoins les plus importants et les prix les plus populaires ;
  • ils vendent tous via les plus grands canaux ;
  • ils se disputent tous l’accès aux médias les plus grand public.

Tout le monde finit par chasser exactement le même gibier.

C’est une excellente nouvelle si vous vous trouvez au milieu d’un marché ou si vous possédez une grande plateforme médiatique (ce qui explique pourquoi les marques grand public focus sur le marché intermédiaire et les propriétaires d’énormes plateformes publicitaires ont tendance à être si enthousiastes à propos du travail de Byron Sharp). Mais c’est une nouvelle absolument terrible si vous êtes quelqu’un d’autre : si vos goûts s’écartent de la norme ; si vous ne vous asseyez pas au milieu du marché ; si vous appréciez la diversité. Et je vois cela se produire en temps réel dans le monde réel.

Le dilemme du marketer

Juste pour être clair, je ne dis pas que le but et la croissance ne sont pas compatibles – d’innombrables études démontrent qu’ils sont entièrement compatibles. Ce que je fais remarquer, c’est qu’à un moment donné, vous devrez décider ce qui compte le plus : le but ou la croissance.

Des exemples concrets de ce dilemme du marketer existent tout autour de nous. Par exemple, l’édition de mai 2021 de Campaign Magazine présente un article sur le relatif manque d’intérêt pour les « médias minoritaires ». Malgré la poussée inspirée par Black Lives Matter en faveur de la diversité dans le marketing, les propriétaires et les équipes de vente des stations de radio, des journaux et d’autres médias développés pour les minorités ethniques rapportent qu’il reste « très difficile » de rencontrer les marques et leurs agences médias – sans parler de travailler avec succès avec eux.

Christopher Kenna, fondateur et directeur général de Brand Advance et DECA (qui signifie Diversité, Équité, Culture et Action), suggère dans l’article que les dépenses médiatiques d’une marque devraient être divisées de manière proportionnelle au nombre de personnes des minorités ethniques :

Si 9 % du Royaume-Uni est noir, indien, asiatique et multiethnique, alors 9 % de vos dépenses médiatiques devraient aller aux médias qui atteignent ces données démographiques.

Les livres de Byron Sharp orientent les marques et leurs agences dans la direction opposée :

Les médias qui attirent un public plus large seront utilisés plus souvent et plus longtemps par ce public.

En d’autres termes, les médias de niche destinés aux publics minoritaires seront utilisés moins souvent et pendant moins de temps par ces publics que les médias grand public, qui touchent un large échantillon représentatif de la population au niveau national.

Nationwide Building Society

Je ne doute pas de la véracité des conseils ; sur la base des données disponibles, Byron Sharp plaide en faveur de la concentration sur les médias de masse plutôt que sur des canaux plus petits et fragmentés en raison de l’efficacité de la portée (ce qu’il appelle la loi du double péril). Ainsi, les arguments en faveur d’un investissement dans ces médias doivent être fondés sur leur finalité.

L’article donne l’exemple de la Nationwide Building Society, qui est guidée par un objectif social, et a mis au défi son agence média, Wavemaker, de développer une approche de la planification média davantage axée sur la diversité.

En réponse, l’agence a développé une « lentille de diversité » approfondie pour segmenter ses publics, a organisé des sessions de planification et d’activation inclusives, des panels de questions-réponses et organisé des sessions de type speed-dating avec des partenaires médias appartenant à la diversité. La campagne qui en a résulté a augmenté la portée globale de 8 % et 9 % pour les publics d’origine pakistanaise et indienne, respectivement. Les marketers de Nationwide sont presque certainement au courant de la loi de la double incrimination de Byron Sharp ; Je suppose qu’ils ont simplement choisi de l’ignorer dans ce cas en faveur de faire la bonne chose. Le but a gagné l’argument.

Et pourquoi pas ?

La volonté d’introduire plus de méthodes scientifiques dans le marketing ne doit pas nous faire oublier l’attente croissante que les entreprises et les marques créent de la valeur pour la société ainsi que pour leurs actionnaires. Tout modèle quantitatif est limité par l’étroitesse des données qui l’alimentent, ainsi que par les hypothèses de ses créateurs.

Si le contexte autour de ces données change, les failles de ces hypothèses et du modèle lui-même finissent par mordre leurs utilisateurs dans le cul. Publié en 2016, “How Brands Grow Part 2” a été l’occasion de réviser ou de modérer certaines de ces hypothèses, mais Byron Sharp et sa co-auteure Jenni Romaniuk ont ​​plutôt doublé la mise. Seulement cinq ans plus tard, certains des exemples et certains des conseils font déjà grincer des dents :

Les clients varient considérablement en termes de style de vie, d’intérêts, de richesse, d’âge, etc. Il est facile de se laisser distraire par ces différences et de rendre les choses plus compliquées qu’elles ne devraient l’être.

En d’autres termes, les problèmes liés à l’injustice et à l’inégalité sociales ne sont que des distractions.

Goya Foods

Dans une section intitulée « Ne vous tirez pas dessus avec le marketing ciblé », les auteurs utilisent Goya Foods aux États-Unis comme un excellent exemple de ce qui peut être réalisé lorsque vous évitez ces distractions :

« La plus grande entreprise alimentaire hispanique d’Amérique, Goya Foods, a débuté en 1936 en tant que distributeur spécialisé de produits de base, tels que les haricots, pour les immigrants hispaniques. Aujourd’hui, c’est l’une des entreprises alimentaires à la croissance la plus rapide aux États-Unis, présentant à toutes sortes d’Américains une (large) gamme de produits alimentaires d’inspiration hispanique. “Nous aimons dire que nous ne commercialisons pas auprès des Latinos, nous commercialisons en tant que Latinos”, déclare Bob Unanue (Wentz, 2013)… Goya Foods [est un exemple] de marketers qui réfléchissent aux besoins de la catégorie que leurs marques pourraient satisfaire, et s’inquiètent moins savoir qui, dans la catégorie, achètera sa marque. Cette façon de penser a élargi leurs marchés potentiels et créé des opportunités de vente qui auraient été manquées s’ils s’étaient tenus sur leurs marchés “cibles”. »

Si vous vous demandez ce qui s’est passé ensuite, Bob Unanue s’est rendu à la Maison Blanche en 2020, où il en a profité pour féliciter publiquement le président de l’époque, Donald Trump, qu’il a décrit comme « un bâtisseur ». Peut-être, sans surprise, étant donné la promesse de Donald Trump de construire un mur entre les États-Unis et le Mexique, les critiques ont condamné ses commentaires comme sourds à la communauté que Goya Foods sert en grande partie, et les consommateurs ont appelé au boycott de la marque.

Selon un reportage d’ABC News, la marque a reçu 47 millions de dollars de publicité négative, le boycott s’est intensifié et les marques concurrentes ont signalé des pics de ventes en conséquence.

Leçons apprises : pour ou contre le but de la marque ?

Avec le recul, l’étude de cas de Goya Foods semble plus appropriée comme exemple des dangers d’ignorer les attentes du public selon lesquelles les marques devraient contribuer positivement à la société et accorder l’attention et le soin nécessaires aux pensées, aux sentiments et aux expériences des groupes minoritaires.

Pour un groupe de chercheurs apparemment si friands de pointer du doigt la bêtise des autres (le PDG de Starbucks est « dupé », les marketers sont « arrogants » et leurs pratiques sont « médiévales »), la propre vision du monde de l’Institut Ehrenberg-Bass semble étonnamment dépourvue de nuance ou d’humilité.

Il est facile d’avoir l’impression qu’il s’agit d’un groupe d’universitaires vaniteux qui aiment déchirer les professionnels du marketing pour avoir l’audace de croire en des concepts importants mais non mesurables comme l’originalité, la conscience sociale et la création de valeur. Et ce, avec une certitude qui dément le fait que les données sur lesquelles ils fondent leurs opinions sont limitées et rétrogrades.

Ce niveau de confiance toxique, combiné à leur niveau général de dédain pour quiconque a la témérité d’être en désaccord avec leur vision du monde, encourage une forme dangereuse et inutile de vision tunnel.

En réduisant le rôle de la marque à un seul but – la croissance – Byron Sharp et l’institut Ehrenberg-Bass ont simultanément établi la plus grande force et la plus grande faiblesse de leur approche « scientifique » : la poursuite résolue de la croissance pourrait être un message attrayant pour les CMO en quête de crédibilité « scientifique » ; mais cela les dégage également de la responsabilité d’activités importantes qui devraient faire partie de leur description de poste, comme s’assurer que leurs entreprises anticipent et répondent aux changements importants de la société, y compris les luttes continues contre le racisme systémique, le changement climatique et les inégalités sociales.

Pour terminer sur le but de la marque et la tyrannie de la majorité

Si l’on se fie à l’effet Lindy, l’Institut Ehrenberg-Bass et son approche marketing scientifique seront toujours là dans dix ans. Dans la même logique, la tyrannie de la majorité et ses maux associés dureront bien plus longtemps que cela. Il ne suffit pas de considérer ces problèmes comme une simple distraction ou de prétendre qu’ils existent en dehors des attributions des marques.

Il n’est pas non plus utile de suggérer que les marketers et les marques agissent avec arrogance en reconnaissant ces problèmes et en prenant des mesures positives pour rendre la société plus saine, plus heureuse et plus durable. Si les marketers ne font pas partie de la solution, nous continuerons de faire partie du problème.

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