La réputation d’entreprise est très souvent confondue à la notoriété ; elle aussi confondue à l’image de marque. Mais que ce soit pour un individu ou une entreprise ; la réputation c’est comme une allumette : ça ne brûle qu’une fois.
Récemment j’ai eu une conversation intéressante avec une de mes étudiantes en marketing digital. Elle m’a posé une question intéressante sur la fidélité aux marques ! Beaucoup d’entreprises étant au fait que les consommateurs sont plus sensibles au beau, se réfugient derrière le « design ». Mais ce n’est pas la solution.
Je souhaiterais introduire un concept qui m’est très cher, la conscience de marque, qui est le fait que l’entreprise qui commercialise un produit ou un service soit tout d’abord consciente qu’elle est une marque.
La conscience de marque
Dans notre environnement (le Cameroun), je pense, d’après mes observations, que les entreprises locales de toutes tailles, et même la majorité des multinationales sur place n’ont pas bâti ce que je qualifie de conscience de marque.
Elles souffrent d’absence de conscience de marque.
Beaucoup d’entreprises ne se considèrent pas comme des marques, et ne pensent pas avoir de marques.
Beaucoup de brand managers parlent de « marque » sans réellement savoir de quoi il est question.
Le branding est encore un concept abstrait pour beaucoup de gens du marketing.
Conséquence : les marques sont plus accidentelles qu’intentionnelles. Elles sont ainsi à la merci des consommateurs et de la concurrence.
J’ai découvert le concept de notoriété de marque (brand awareness) dans mes nombreuses lectures (Lendrevie, de Baynast, Kotler & Dubois…). J’ai aussi pour habitude de décomposer les mots pour mieux m’approprier les concepts. Je ne dérogerai pas à la règle avec l’expression brand awareness.
- Brand est traduit par marque. Ayant couvert le sujet dans cet article, je ne reviendrai pas sur la définition détaillée de ce qu’est une marque.
- Awareness est généralement traduit par sensibilisation, conscience ou prise de conscience.
- Brand awareness est traduit par notoriété de marque.
Pour prospérer, une entreprise doit prendre conscience qu’elle est une marque. Elle doit développer une conscience de marque, afin de développer sa marque de manière intentionnelle.
Afrique : no brands ?
« Le branding est la porte de sortie de l’Afrique. »
C’est d’ailleurs ce que pense aussi Aigboje Aig-Imoukhuede, homme d’affaires nigérian, banquier, investisseur et philanthrope.
Il est de nouveau directeur général du groupe et président-directeur général d’Access Bank Plc.
Dans une conversation tenue lors de l’événement « Africa VC Opportunity » le 26 janvier 2024, il s’exprime en ces termes :
« L’Afrique résoudra ses problèmes lorsqu’elle commencera à produire en Afrique.
LVMH est l’un des écosystèmes économiques ou des entreprises les plus riches au monde.
LVMH, ce sont ses marques.
Je pense vraiment au pouvoir du contenu africain et à ce que vous pouvez faire si vous le « brandez », alors vous commencez… Vous savez ?
On peut ainsi avoir des boissons venant d’Afrique qui ont la puissance des marques LVMH.
On peut avoir des vêtements venant d’Afrique, fabriqués en Afrique…
Alors quand vous parlez de cet influenceur, le danseur…
Les gens le regardent, et regardent ce qu’il porte. Et ce qu’il porte est cool ; et ils veulent danser comme ça, ils veulent ressembler à ça.
Lorsque nous pouvons en quelque sorte briser les contraintes qui existent pour garantir que tout ce qu’il danse est fabriqué en Afrique, alors de l’argent réel commence à être gagné.
[…]
Et c’est là, je pense, notre force.
Je parle peut-être de cheveux, de vêtements, etc. Mais je vous ai donné l’exemple de LVMH.
L’homme le plus riche du monde gagne essentiellement son argent en « brandant » ce produit que nous avons.
Je pense que c’est notre fruit à portée de main. Et ce n’est pas si simple. Car si c’était le cas, je serai LVMH Afrique.
Mais je pense que c’est l’opportunité. Et l’élément culturel est là. »
Notoriété et réputation d’entreprise
Avoir de la notoriété c’est simplement être connu, si l’on va terre à terre. Très peu d’entreprises à mon goût font des campagnes marque, mais sont plus orientées produit. Tout le monde veut vendre sans prendre la peine de :
- Connaître sa cible
- Se faire connaître par sa cible
- Se faire aimer par sa cible
- Inspirer de la confiance à sa cible
Le principe de Know Like Trust Buy est indispensable si vous voulez atteindre vos objectifs commerciaux tout en bâtissant une réelle relation avec vos consommateurs.
Dans le même sillage, un individu ne peut vous faire confiance qu’en fonction de la nature de votre réputation. Et la première question qu’il se pose est : « Peut-on vous faire confiance ? » Et généralement, en tant que marque, c’est la première question à laquelle vous devez répondre.
Pour y arriver, il suffit de tenir les promesses que vous avez faites. Bâtir une bonne réputation se fait dans le temps au travers des actions que vous posez.
La réputation est donc en quelque sorte, la qualité de votre notoriété.
Réputation d’entreprise : définition
Les entreprises évoluent aujourd’hui dans un environnement hostile à la marque. Où leur moindre faits et gestes sont scrutés à la loupe. Et où les consommateurs dictent leur loi.
C’est d’ailleurs ce qu’essaie d’expliquer Marty Neumeier dans son livre The Brand Flip :
La montée en puissance du branding, désormais alimentée par les médias sociaux, a placé l’avenir des entreprises entre les mains de ses clients. C’est le flip de la marque [brand flip] : un mouvement de judo pan-industriel qui fait tomber certaines entreprises en élevant d’autres au rang de superstars.
Ce qui crée un environnement où le risque de réputation est très élevé. Mais au fait, c’est quoi la réputation d’entreprise ?
Selon Andrew Lester de FreshBusinessThinking.com :
La réputation d’une entreprise est la somme de toutes les opinions et croyances détenues sur l’entreprise en fonction de son histoire et de ses perspectives d’avenir, par rapport à ses concurrents proches.
La réputation de l’entreprise c’est :
Les perceptions de la façon dont l’entreprise se comporte envers ses parties prenantes et le degré de transparence informative avec laquelle l’entreprise développe des relations avec elles. – De La Fuente & de Quevedo, 2003, p. 280
Composantes et dimensions de la réputation d’entreprise
Selon Schwaiger (2004), il y a dix composantes de la réputation d’une entreprise, y compris la qualité des employés, la qualité de la gestion, la performance financière, la qualité des produits et services, le leadership du marché, l’orientation ou la focalisation sur le client, l’attractivité ou l’attrait émotionnel de l’organisation, la responsabilité sociale, le comportement éthique et la fiabilité.
Fombrun, Ponzi et Newburry (2015) ont développé des dimensions de la réputation d’entreprise. Elles incluent les produits, l’innovation, le lieu de travail, la gouvernance, la citoyenneté, le leadership et la performance.
En outre, Dijkmans, Kerkhof et Beukeboom (2015) ont décrit les dimensions de la réputation d’une entreprise comme l’attrait émotionnel, les produits et services, la vision et le leadership, l’environnement de travail, la responsabilité sociale et environnementale et la performance financière.
Les facteurs qui influencent la réputation d’entreprise
Ali, Lynch, Melewar et Jin (2015) ont mentionné la taille de l’entreprise, la visibilité médiatique, la performance sociale de l’entreprise, le risque de l’entreprise, l’âge de l’entreprise et la propriété institutionnelle à long terme.
En outre, la réputation de l’entreprise est évaluée pour modifier la fidélité des clients, les performances financières, la confiance des clients et l’engagement des clients (Ali et al., 2015).
La réputation de l’entreprise est un facteur crucial pour en influencer d’autres : comme la valeur marchande, les performances de l’organisation et les performances de l’entreprise. Elle peut également affecter la satisfaction des clients, la qualité du service, la valeur perçue, la responsabilité sociale des entreprises, la compétitivité, les relations publiques et la fidélité des clients (Awang & Jusoff, 2009 ; Cecilia, 2014 ; Cole, 2012 ; Cretu & Brodie, 2007 ; Gorondutse, Hilman, & Nasidi, 2014 ; Johan & Noor, 2013 ; Piriyakul & Wingwon, 2013).
Réputation d’entreprise : un actif incorporel
Lors de la définition de la réputation de l’entreprise, il est important de garder à l’esprit qu’il s’agit d’un actif incorporel. Dans le monde de l’entreprise, un actif est tout ce qui a de la valeur pour une entreprise.
Les immobilisations corporelles peuvent être divisées en deux catégories : les actifs courants et les immobilisations. Les actifs corporels tels que les liquidités, les biens immobiliers, les terrains, les équipements et les stocks sont plus souvent discutés et plus faciles à suivre, car vous pouvez généralement leur attribuer un montant en dollars.
Tout comme ces actifs quantifiables, la réputation d’une entreprise a une valeur importante pour une entreprise . Contrairement aux actifs corporels, cependant, la valeur de la réputation de l’entreprise n’est pas corrélée à quelque chose de physique et peut être plus difficile à déterminer avec précision.
Voici un graphique simple qui montre la différence entre les immobilisations corporelles et les immobilisations incorporelles :
La bonne volonté, la reconnaissance de la marque, les résultats de recherche de marque, les évaluations et les évaluations, et les méthodologies commerciales sont des exemples d’actifs incorporels qui contribuent directement à la réputation d’une entreprise, et votre réputation est un atout puissant qui peut être supérieur à la somme de ses parties.
L’importance d’anticiper les risques de réputation
Mais parce que la réputation d’entreprise est un actif immatériel, elle peut être facilement négligée par les propriétaires d’entreprise. Certains propriétaires peuvent même ne pas voir les signes indiquant qu’ils ont besoin d’une protection ou d’une réparation de leur réputation, causant d’énormes pertes à leur entreprise.
Sous-estimer l’importance de la réputation de votre entreprise peut s’avérer être une erreur fatale. L’élaboration d’une stratégie de réputation d’entreprise est essentielle.
Willis Towers Watson dans son Global Reputational Risk Management Survey Report 2020 a découvert que :
Bon nombre des outils, méthodologies et produits d’assurance actuellement disponibles ont du mal à suivre les demandes changeantes de notre monde numérique.
Il arrive souvent que des changements majeurs au sein d’une entreprise soient limités par un manque d’adhésion de la C-suite.
Cependant, leur recherche a montré que 75,5% des gestionnaires de risques avec lesquels ils ont parlé ont estimé que leur suite C était soit quelque peu ou très engagée ou investie dans la gestion du risque de réputation.
Même avec ce niveau de soutien de la part des cadres supérieurs, le risque de réputation ne peut être géré efficacement sans les outils et le financement nécessaires.
Les changements dans la façon dont les gens consomment les médias, se forment des opinions et perçoivent les entreprises contribueront à l’importance accordée au risque de réputation.
Résumé du rapport
Q – Dans les 5 prochaines années, pensez-vous qu’il y aura plus, moins d’attention ou à peu près autant d’attention sur le risque de réputation qu’aujourd’hui ?
79,5 % des gestionnaires de risques à qui ils ont parlé ont estimé qu’au cours des cinq prochaines années, l’accent serait davantage mis sur le risque de réputation qu’aujourd’hui.
La plupart des gestionnaires de risques pensent que leurs entreprises subiraient des pertes importantes en raison des atteintes à leur réputation.
La perte de revenus et la réduction de la clientèle sont perçues comme les principaux problèmes auxquels les entreprises sont confrontées suite aux atteintes à leur réputation.
Cependant, l’impact des atteintes à la réputation peut être ressenti dans l’ensemble d’une entreprise, à partir de problèmes de recrutement et de rétention, d’un score environnemental, social et de gouvernance (ESG) inférieur, d’un soutien réduit du lobby et d’une réglementation accrue de l’industrie.
Impact de la réputation d’entreprise sur la fidélisation des clients
Liengjindathaworn, Saenchaiyathon et Hawat (2015) ont mentionné que la réputation d’entreprise pouvait influencer l’image de marque. D’un autre côté, la réputation de l’entreprise peut être affectée par la RSE, la responsabilité de la marque de l’entreprise et la satisfaction des clients (Hsu, 2012 ; Hur, Kim et Woo, 2014).
De plus, dans l’étude de Seo et Park (2016), la réputation de l’entreprise était liée à une image de marque, un prix, une qualité de service perçue et une préférence de marque. Cette étude visait à examiner la fidélité des clients coréens dans le secteur du transport aérien. Cette étude a trouvé un effet significatif de la réputation de l’entreprise sur l’image de marque.
Une étude entreprise par Cretu et Brodie (2007) a utilisé l’image de marque, la réputation d’entreprise et la valeur client pour évaluer la fidélité des clients de trois fabricants de produits FMCG, en particulier des shampooings pour professionnels. Cette étude a impliqué des directeurs de salon en Nouvelle-Zélande. Ils ont trouvé un impact significatif de la réputation d’entreprise sur la fidélité des clients.
En outre, Almeida, da Graça et Coelho (2005) se sont concentrés sur la fidélité des membres de trois coopératives différentes au Portugal. Ils ont sélectionné des variables prédictives, notamment la communication, la réputation d’entreprise et l’image. Ils ont découvert que la réputation d’entreprise influençait considérablement l’image et la fidélité.
Le branding est la clé
Aujourd’hui, je trouve que beaucoup trop d’individus confondent le branding au merchandizing.
Alors, qu’est-ce que le branding ?
Simplement, je définirais le branding comme le processus intentionnel de création d’une marque. Il est soutenu par le brand marketing qui est l’ensemble des actions mises en œuvre pour gérer une marque et l’installer dans l’esprit des consommateurs.
Processus de branding
Généralement, le branding est un processus en 5 étapes :
1. Définition de la marque
Nous allons définir la marque et tout ce qu’elle contient, une marque est une promesse, il faut clairement définir cette promesse et ses valeurs fondamentales.
Leviers de la marque : la manière dont les valeurs fondamentales seront intégrées au marketing mix, ou aux processus de vente.
2. Positionnement de la marque
Nous allons forger la représentation qu’a le client de la marque. Il est important de connaître les clients, les avantages qu’ils recherchent et leur état d’esprit actuel sur les produits de l’entreprise par rapport à ceux de la concurrence.
Nous devons définir le lien entre la proposition de valeur de la marque et sa promesse.
3. Expression de la marque
Il faut considérer la marque comme une personne. Elle a besoin d’un nom, d’une personnalité et d’une identité visuelle.
C’est à ce niveau que nous allons définir toutes les applications et les déclinaisons du logo, nous allons également définir le ton du discours (ainsi que le champs lexical) de la marque.
4. Augmentation de la notoriété de la marque
Nous allons vous aider à augmenter la notoriété de la marque, et à mettre cette notoriété à votre service.
Pour cela, il va falloir communiquer sur la marque en interne dans l’organisation, et en externe sur le marché.
5. Évaluation de la marque
Nous devrons enfin évaluer la valeur de la marque, ou capital de marque.
Il s’agit de ce que vous récoltez quand vous développez une promesse de marque authentique.
La marque tient-elle ses promesses, fait-elle exactement ce que vous attendiez d’elle pour votre entreprise ?
Remarquez que le design n’intervient pas avant la phase 3, et la notoriété n’intervient qu’à la phase 4. Mais qu’est-ce qui se passe avant ? Vous l’avez lu ! Tout se passe dans la définition de la marque : les valeurs fondamentales. C’est là que repose la conscience de marque.
Qualité du produit et du service
La marque est une promesse, et une promesse doit être tenue.
À chaque fois qu’un client vient voir Lotin Corp. pour une identité visuelle ou la création (ou la refonte) d’un site web, nous nous renseignons (sur leur réputation). Cela passe par une évaluation de leur produit/service.
Si c’est un bien de consommation, nous nous rendons au point de vente le plus proche pour nous le procurer. S’ils possèdent le point de vente, nous évaluons également la qualité de service. Il en va de même pour les prestataires de services.
Nous leur répétons inlassablement :
Le fait que votre identité visuelle soit bien faite garanti simplement que les prospects soient au courant de votre existence, et si tout se passe bien, qu’ils se rapprochent. Mais qu’ils deviennent client et restent, ne dépend que de vous.
Dans un article précédent, nous avions expliqué la différence entre expérience utilisateur et expérience client. Et avons présenté deux scénarios :
- Mauvaise expérience utilisateur, bonne expérience client.
- Bonne expérience utilisateur, mauvaise expérience client.
Ce qui nous ramène à la conclusion : Il ne suffit pas de créer le bon produit/service qui a la parfaite adéquation produit/marché, mais il faut mettre le consommateur au centre de vos réflexions stratégiques : comment est-ce qu’il apprend à vous connaître ? Qu’est-ce que vous faites pour qu’il vous aime ? Et enfin, quel degré de confiance lui inspirez-vous ?
Faites cela, et vous serez réellement une marque. Et si nous devons parler design aujourd’hui, parlons de service design thinking.