Guide à la stratégie agile par Marty Neumeier

La stratégie agile s’inspire des méthodes agiles en génie logiciel, notamment. Avec Marty Neumeier, découvrons comment une approche collaborative de la planification construit des marques épiques en un temps record.

La sagesse conventionnelle veut que la construction d’une entreprise ou d’une stratégie de marque réussie prenne 6 à 18 mois, selon la taille de l’entreprise. Elle appelle à accomplir une série de tâches une par une avec un processus comme celui-ci :

  1. Évaluez votre position actuelle
  2. Étudiez le marché pour les menaces et les opportunités
  3. Imaginez une gamme de scénarios
  4. Obtenez un accord sur une direction
  5. Établissez une vision cohérente
  6. Identifiez les objectifs stratégiques
  7. Traduisez les objectifs en tactiques
  8. Organisez le financement

C’est une longue liste d’étapes séquentielles, chaque étape s’appuyant sur la précédente.

Mais que se passerait-il si vous abordiez les étapes simultanément plutôt que séquentiellement ? Cela n’accélérerait-il pas le processus ?

Différence entre l’approche waterfall et la stratégie agile

Ce serait le cas, et c’est le cas. C’est ce qu’on appelle la stratégie agile, un processus que nous avons perfectionné dans notre propre cabinet de conseil pour travailler plus rapidement avec les clients. En adoptant une approche plus collaborative de la stratégie et en travaillant simultanément, les équipes agiles peuvent compléter un framework pour une nouvelle entreprise ou une nouvelle marque en moins de six semaines. Six semaines contre 6-18 mois.

Mais la stratégie agile présente un autre avantage. Les résultats sont souvent plus fidèles à l’intention initiale. Pourquoi ? Parce que les différentes tâches peuvent s’influencer à la volée. L’œuvre est conservée dans un « état liquide » le plus longtemps possible.

Avec le processus séquentiel traditionnel, chaque étape est « scellée » avant que l’étape suivante puisse être construite. Ainsi, si un designer UX découvre une idée clé à l’étape 7, il ne sera pas en mesure d’influencer la vision globale car cette étape a déjà été signée et scellée. Par conséquent, le processus séquentiel peut ressembler à un jeu de « téléphone » dans lequel chaque étape éloigne la stratégie de son intention initiale et la rapproche d’un plan générique.

Mon objectif avec ce petit guide est de vous donner des outils pour construire votre propre stratégie en un temps record, avec une fidélité optimale à vos objectifs stratégiques.

Si vous souhaitez voir comment la stratégie agile se déroule dans une situation « réaliste », vous pouvez lire mon livre Scramble. C’est un thriller d’affaires sur un PDG et son équipe qui ont cinq semaines pour réinventer leur entreprise. Les principes de base de Scramble sont présentés ici dans un format plus court.

Stratégie agile en 15 minutes

Le processus de stratégie agile est simple. Vous appliquez les cinq principes du design thinking (appelés les cinq Ps) aux cinq questions de stratégie (appelées les cinq Qs).

5Qs x 5Ps = STRATÉGIE AGILE

Les Ps et Qs ne sont pas immuables. Ils sont flexibles, adaptables et personnalisables. Vous pouvez les utiliser comme point de départ, puis les adapter à votre propre situation.

Qu’est-ce que le design thinking en stratégie agile ?

Le design thinking consiste à utiliser des prototypes pour relever des défis créatifs. Vous pourriez le définir comme penser en faisant. La façon la plus simple de comprendre le design thinking est de le mettre en contraste avec le business thinking traditionnel. La pensée traditionnelle comporte deux étapes principales : savoir et faire. Vous savez quelque chose, parce que vous avez lu à ce sujet, que vous l’avez essayé avec succès ou que vous considérez qu’il s’agit d’une pratique exemplaire, puis vous faites quelque chose. Vous agissez en conséquence.

Mais le design thinking comporte trois étapes : savoir, fabriquer et faire. L’étape médiane de la fabrication – le prototypage et le test de nouvelles idées – non seulement remet en question ce que vous « savez », mais modifie également ce que vous faites. Elle met sur la table des options surprenantes dont vous ignoriez l’existence. Sans cette étape médiane, vous êtes plus susceptible d’opter pour une solution sûre et intermédiaire. Si les solutions sûres ont leur place, elles sont inefficaces si votre objectif est d’innover.

Les cinq Ps du design thinking

Les cinq Ps sont un ensemble de principes pour imaginer et développer de nouvelles idées. Ils sont spécialement conçus pour forcer votre esprit au-delà de l’évidence. Dans mon livre Scramble, l’un des personnages fait référence à la « pensée du troisième pâturage ». C’est le concept d’aller au-delà de l’évidence pour trouver les idées les plus fraîches. Lorsque les chevaux sont mis dans un champ pour manger, les plus difficiles ne se contentent pas de l’herbe piétinée dans le pâturage plus bas. Ils montent plus haut, jusqu’au deuxième pâturage, et même jusqu’au troisième, où l’herbe est vraiment fraîche.

Les cinq Ps sont problemizing, pinballing, probing, prototyping, and proofing (problématiser, flipper, investiguer, protyper et éprouver). Ensemble, ils fournissent un framework pour trouver des idées de troisième pâturage.

1. Problemizing [problématiser]

La problématisation ne consiste pas à résoudre des problèmes, mais à les encadrer. N’acceptez jamais un problème pour argent comptant. Au lieu de cela, essayez de découvrir quel est le vrai problème – le problème derrière le problème – en posant quelques questions.

  • Est-ce le bon problème à résoudre ?
  • Est-ce digne de nos meilleurs efforts ?
  • Quels autres problèmes pourrions-nous résoudre qui apporteraient plus de valeur à l’entreprise ou à nos clients ?

La problématisation se décompose en trois étapes :

  1. Exposer le problème
  2. Énumérer les avantages de le résoudre
  3. Décrire la pénalité encourue si on l’ignore

Voici un exemple de la manière dont une entreprise peut problématiser une situation :

ÉNONCÉ DU PROBLÈME #1
Notre plus grand concurrent vole nos clients. Cela nous a amenés à baisser nos prix, ce qui nous a obligés à baisser la qualité de notre service. L’érosion du service permet à notre concurrent de voler plus facilement nos clients.

AVANTAGE DE LA SOLUTION
La bonne stratégie pourrait nous permettre de conserver nos clients, de garder nos prix intacts et de priver notre concurrent de parts de marché.

COÛT D’OPPORTUNITÉ
Si nous ne faisons rien, nous continuerons dans une spirale descendante de prix réduits, de service en baisse et de clients qui disparaissent, jusqu’à ce que notre entreprise ne soit plus viable.

Changement de perspective

En mode problématique, résistez à l’envie de vous lancer avec une solution. Assurez-vous de résoudre le bon problème en le définissant de différentes manières. Par exemple, voici une autre manière de problématiser la même situation :

ÉNONCÉ DU PROBLÈME #2
Notre produit clé n’est plus pertinent. Sa technologie sous-jacente vieillit, ce qui a permis à l’un de nos concurrents d’entrer sur le marché avec une solution meilleure et moins chère. Notre première réaction a été de baisser le prix, ce qui nous a mis dans une spirale descendante.

AVANTAGE DE LA SOLUTION
En mettant à jour notre produit avec un produit plus avancé, nous pouvons regagner notre position dominante sur le marché et maintenir nos marges bénéficiaires élevées.

COÛT D’OPPORTUNITÉ
Si nous ne faisons rien, la spirale descendante se poursuivra alors que nous réduirons nos prix, réduirons la qualité de nos services et verrons notre part de marché et nos marges bénéficiaires se détériorer.

Ces deux caractérisations pourraient être valables. Le premier est axé sur les concurrents, tandis que le second est axé sur le produit. La manière dont vous définissez le problème détermine la manière dont vous le résolvez, il est donc avantageux de bien faire les choses.

2. Pinballing [Flipper]

De la même manière qu’un flipper rebondit sur des obstacles et d’autres flippers, les idées peuvent rebondir sur des obstacles et d’autres idées. Maintenant que vous comprenez le problème, combien de plans d’action pouvez-vous imaginer ? Notre entreprise utilise un large éventail de techniques pour déclencher de nouvelles idées, mais voici mes trois principales :

Pensez en métaphore

Une métaphore est une façon de faire une comparaison entre deux choses sans rapport. « Le monde entier est une scène », par exemple. Le monde n’est pas vraiment une scène, mais c’est comme une scène à certains égards. Si votre défi est d’inventer un nom de marque pour un magasin qui vend des chaussures aux filles actives, par exemple, vous pouvez l’appeler Active Footwear. Ou vous pourriez penser en métaphores et aller au-delà du premier pâturage. Par exemple, peut-être que les chaussures de sport pour filles sont comme une chanson pop sautillante des années ’60 – attendez ! Et si on l’appelait Shoebop ?

Organisez des RDV à l’aveugle

Il est possible de déclencher de nouvelles idées en associant deux idées existantes qui n’ont pas encore été introduites. Qu’obtenez-vous lorsque vous croisez un magasin d’informatique avec un musée ? Un magasin de chaussures en ligne avec une association caritative ? Un spectacle de Broadway avec un cirque ? Vous pourriez obtenir des modèles commerciaux prospères comme les magasins Apple, les chaussures Toms et le Cirque du Soleil. Bien sûr, vous pourriez également obtenir l’équivalent commercial du kitsch, comme Clairol l’a fait lorsqu’il a croisé les soins capillaires et le yaourt et a obtenu le shampooing Touch of Yogurt ; ou comme Omni l’a fait quand il a croisé un hit télévisé avec une boisson gazeuse et a obtenu une boisson appelée Tru Blood. Ne tombez pas amoureux de votre première idée. Nouveauté et innovation sont deux choses différentes.

Inversez la polarité

Inverser une hypothèse peut libérer de l’énergie conceptuelle. Disons que vous essayez d’inventer un nouveau modèle commercial pour la banque de détail. Commencez par énumérer toutes les hypothèses auxquelles vous pouvez penser concernant les banques de détail :

  • Les banques de détail ont des emplacements spacieux au centre-ville et en banlieue
  • Elles ont des intérieurs d’aspect traditionnel, avec des boiseries, des bureaux et des guichets
  • Un panneau sur la fenêtre répertorie les règles de comportement telles que Pas de pieds nus, Pas de nourriture et Pas d’animaux domestiques
  • Les clients font la queue pour le prochain guichetier disponible
  • Lorsque les clients ouvrent des comptes, ils signent des accords de plusieurs pages qu’ils ne peuvent pas comprendre
  • Pour demander un prêt, les clients doivent prendre rendez-vous avec un agent de crédit
  • Les caissiers et les agents de crédit tentent de vendre aux clients des services financiers supplémentaires
  • Les banques se font concurrence pour attirer les clients en abaissant les taux d’intérêt et en minimisant les frais

L’innovation ne tient qu’à peu de choses

Maintenant, inversez ces hypothèses :

  • Notre nouvelle banque a une petite superficie qui peut s’adapter à n’importe quel espace de vente au détail
  • Elle a des sols en béton poli, des tables de café et des guichets sans guichetiers
  • Un panneau sur la fenêtre indique Pas de chaussures requises, apportez vos animaux de compagnie et rejoignez-nous pour une collation
  • Un représentant accueille les clients à la porte et offre une boisson
  • Lorsque les clients ouvrent un compte, ils signent un accord d’une page rédigé en langage clair
  • Ils peuvent rapidement demander un prêt sur leur téléphone ou demander à un représentant de les guider sur place
  • Les représentants des banques sont toujours à la recherche de moyens pour simplifier la vie de leurs clients
  • Notre banque est en concurrence pour les clients en améliorant leur vie, pas en abaissant les taux d’intérêt

C’est à peu près ainsi qu’Airbank, une société de la République tchèque, a construit un nouveau modèle réussi pour la banque de détail. Inverser la polarité – et d’autres techniques de flipper – peut fonctionner aussi bien pour démarrer une entreprise, créer une marque ou concevoir un nouveau produit ou service.

stratégie agile - https://www.airbank.cz/
https://www.airbank.cz/

Le but est de mettre sur la table des options qui n’existaient pas auparavant.

3. Probing [Investiguer]

Avec de nouvelles idées en main, vous et votre équipe pouvez commencer à les explorer à la recherche de possibilités. Une excellente approche pour façonner de nouveaux concepts peut être trouvée dans le livre fondateur d’Edward de Bono, Six Thinking Hats. Il est basé sur l’idée de la pensée parallèle, une technique dans laquelle les membres d’un groupe de réflexion pensent dans la même direction en même temps. Vous prenez une idée de l’étape du flipper et vous la visualisez à travers les six chapeaux.

Le chapeau blanc est pour l’information, le chapeau rouge pour l’émotion, le chapeau noir pour la prudence, le chapeau jaune pour la positivité et le chapeau vert pour la créativité. Le chapeau bleu est réservé au chef, qui détermine quel chapeau le groupe porte à un moment donné.

Lorsqu’ils portent le chapeau blanc, les membres du groupe offrent des informations utiles (données marketing, informations sur les clients, évaluations de la concurrence, modèles de vente) sans suggérer d’idées ou de solutions.

Lorsqu’ils portent le chapeau rouge, on leur demande d’évaluer une idée en fonction des émotions qu’ils ressentent. Ils peuvent déclarer se sentir excités, nerveux, cyniques, intrigués, dubitatifs, heureux, dégoûtés, encouragés, etc., tant qu’ils décrivent une émotion et non un jugement. Le leader énumère les émotions sur une grande feuille de papier au fur et à mesure que les membres de l’équipe les appellent. Vous constaterez que les gens prennent de meilleures décisions lorsqu’ils confrontent leurs émotions au début plutôt que de les dissimuler dans des arguments rationnels.

Le chapeau jaune est pour la positivité. Il donne aux gens la chance d’explorer les types de résultats qu’ils aimeraient voir. C’est le chapeau du souhait créatif.

Chapeaux noir et vert

Le chapeau noir est le chapeau de la prudence et du désaccord. Quel est le problème avec cette idée ? Comment est-il susceptible d’échouer ? Quelles sont les répercussions possibles ? Le chapeau noir vient naturellement à la plupart d’entre nous, car nous sommes câblés pour peser plus lourdement le danger que l’opportunité. Le chapeau noir est le chapeau du naysayer, l’avocat du diable. Le leader peut généralement remplir plusieurs grandes feuilles de papier avec des commentaires négatifs. Plus il y en a, mieux c’est. Sortez-les à l’air libre. Aucun correctif ou solution de contournement n’est autorisé lorsque vous portez le chapeau noir.

Enfin, le chapeau vert est le chapeau de la créativité. Lorsque le groupe porte du vert, seules les idées fraîches et positives sont autorisées. L’objectif est de transformer les peurs du chapeau noir en solutions du chapeau vert.

L’approche des six chapeaux peut également être utilisée pour approfondir des fonctionnalités spécifiques. Si une nouvelle idée d’entreprise inclut, par exemple, une garantie à vie, le groupe peut appliquer la même rigueur pour vérifier et façonner cette caractéristique spécifique.

4. Prototyping [Prototyper]

Le prototypage est la magie qui rend le design thinking plus puissant que la pensée traditionnelle. Il ajoute l’étape de fabrication entre savoir et faire. C’est la différence entre décider de l’avenir avec des pratiques prêtes à l’emploi et concevoir l’avenir en travaillant à partir des premiers principes.

Un prototype est simplement une approximation approximative d’une idée, d’un produit, d’un service ou d’un processus, quel que soit ce que vous inventez. Cela peut être un croquis, une maquette, un modèle, une histoire, un peu de jeu de rôle. L’objectif est de rester simple, de le rassembler rapidement et d’apprendre des résultats. Vous appliquez ensuite ce que vous avez appris au prochain prototype, et ainsi de suite, tour après tour.

La responsabilité du prototypage incombe souvent aux designers, rédacteurs et modélisateurs financiers qui utilisent leurs années de formation pour travailler rapidement et intuitivement. Pourtant, presque tout le monde peut faire un croquis, coller quelques objets ensemble ou plier un morceau de carton pour se rapprocher d’un produit. Pour voir comment de simples croquis peuvent faire des merveilles, jetez un œil au livre de Dan Roam, The Back of the Napkin. C’est remarquable ce qui se passe quand des idées abstraites sont rendues visibles.

5. Proofing [Éprouver]

Les prototypes sont essentiels pour les tests et l’apprentissage. Avec un prototype, vous pouvez tester vos idées sur des clients potentiels. Vous pouvez voir ce qui fonctionne, ce qui ne fonctionne pas et où apporter des améliorations. Vous pouvez les utiliser pour obtenir des avis de collègues, de patrons ou de clients.

Et pourtant, il faut se méfier des hypothèses. Nous faisons tous des suppositions sur la façon dont le monde fonctionne, mais elles peuvent nous aveugler sur les possibilités, et même sur la réalité elle-même. La vérification est le moyen le plus rapide de tester vos hypothèses par rapport aux réalités du marché.

Pour tirer le meilleur parti de l’épreuvage, testez deux prototypes ou plus l’un contre l’autre. Lorsque vous testez un à la fois, vous mettez votre répondant dans la position d’une évaluation pouce levé ou pouce baissé. Avec deux prototypes ou plus, vous pouvez avoir une discussion plus riche sur les mérites relatifs de chacun. Cela est particulièrement vrai lorsque vous présentez votre idée à votre propre entreprise. Ne vous mettez jamais dans la position d’obtenir une réponse oui ou non. Utilisez toujours vos prototypes dans le cadre d’une conversation en cours.

Trouver l’adhésion aux idées

Une question que je reçois souvent lors de keynotes et d’ateliers est celle-ci : Mes idées sont géniales. Mais comment faire en sorte que mes patrons (ou collègues ou coéquipiers) y adhèrent ? Il y a deux hypothèses intégrées à cette question.

  • La première hypothèse est que les idées doivent être vendues comme des produits finis. Cela suppose un vendeur actif et un acheteur passif. En réalité, la plupart des idées innovantes ne sont pas achetées par les patrons mais rejointes par les croyants. Lorsque des collègues voient la valeur d’une nouvelle idée, ils s’y ouvrent. Ils commencent à voir comment cela pourrait profiter à leur entreprise ou à leur vie.
  • La deuxième hypothèse, ou peut-être affirmation, est que vos idées sont excellentes. Peut-être qu’elles le sont. Mais du point de vue d’un étranger, qui le dit ? Comment savent-ils ? À l’aide de quel critère ? Bon pour quoi ? Si vous laissez ces questions sans réponse, il ne faut pas vous étonner que vos idées rencontrent une résistance initiale. Plus l’idée est innovante, plus la résistance est grande.

Attendez, vous dites : la valeur d’une bonne idée ne devrait-elle pas être évidente pour tout le monde ? Et bien non. Vous devez vous rappeler que vous, en tant qu’innovateur, avez une longueur d’avance sur les autres. Vous y travaillez depuis des jours, des semaines, voire des mois. De plus, vous pouvez avoir des compétences que vos collègues n’ont pas, des compétences qui vous permettent d’envisager le succès en fonction de l’expérience passée. Vous pouvez également être profondément passionné par le projet, ce que vous ne pouvez pas attendre de tous les membres de votre groupe.

Alors, que devriez-vous faire ?

Faire des prototypes. Testez-les auprès des utilisateurs. Recueillez des preuves de vos tests. Prouvez votre idée. Appliquez ce que vous avez appris à d’autres prototypes. Racontez des histoires sur votre voyage. Peignez une image du succès. Sollicitez le soutien de co-conspirateurs. Formez une coalition. Les innovations les plus importantes ressemblent plus à des mini-mouvements qu’à l’œuvre d’un génie solitaire.

Mais comment passer du design thinking à une stratégie viable pour votre marque ou votre entreprise ? En appliquant les cinq principes du design thinking aux cinq questions suivantes.

Les cinq Qs de la stratégie

Il fut un temps où la stratégie d’entreprise (business) et la stratégie de marque se situaient à deux niveaux différents. La stratégie d’entreprise était développée au sommet de l’entreprise, tandis que la stratégie de marque – si elle existait – était développée au niveau du marketing. Ce n’est plus vrai. L’entreprise et la marque sont deux brins entrelacés du même ADN. Le volet commercial (business) représente l’entreprise interne (comment vous fonctionnez) et le volet marque représente l’entreprise externe (comment les clients vous voient). Dans le marché actuel centré sur le client, toute entreprise qui ne considère pas ses clients comme faisant partie intégrante de son existence est susceptible de devenir inutile.

stratégie agile les 5 Qs

À toutes fins utiles, vous pouvez utiliser le même processus pour modéliser une entreprise que pour encadrer une marque. Les cinq Qs de la stratégie abordent les questions critiques de l’objectif, du client, de la catégorie, du positionnement et de la culture.

1. Quel est notre but ?

C’est le point de départ de toute stratégie. Sans un but clairement défini, il n’y a aucune raison impérieuse de s’engager dans une entreprise particulière. Les dirigeants sont plus susceptibles de renflouer face à de forts vents contraires. Les employés commenceront à démissionner des mois avant leur départ. Un but riche et satisfaisant rend cela moins susceptible de se produire. Il apporte de l’énergie et de la motivation à toutes les personnes impliquées, y compris les clients. Articuler votre but commence par poser des questions spécifiques :

  • Pourquoi sommes-nous en affaires au-delà de gagner de l’argent ?
  • Comment voulons-nous que le monde change à cause de ce que nous faisons ?
  • Par quoi sommes-nous passionnés ?
  • Où se situent nos compétences de base ?
  • Quelle est la force du besoin pour nos produits ?
  • Est-ce un défi valable ?
  • Est-il assez large pour englober tout ce que nous voudrons faire à l’avenir ?

Un but correctement conçu ne change jamais. Il dure toute la vie de l’entreprise. Une fois que vous l’avez articulé, vous pouvez commencer à évaluer vos progrès. Vous pouvez en tirer de la force. Construire une culture autour de lui. Commencez à développer une mission concrète, une vision claire, des objectifs mesurables. Ils découlent tous du but.

La pyramide stratégique à trois niveaux

Les gens parlent de vision, de mission et de but comme s’ils étaient interchangeables, mais ils ne le sont pas. Il est utile de penser à la stratégie comme une pyramide à trois niveaux.

Stratégie agile : Pyramide de stratégie à trois niveaux

Au sommet de la pyramide se trouve le but. Le but de votre entreprise est la raison pour laquelle vous êtes en affaires au-delà de gagner de l’argent. Il pilote tout le reste et ne change jamais.

Si une entreprise change de raison d’être, par définition, c’est une autre entreprise.

Au niveau intermédiaire, sous le but, se trouvent deux concepts liés : la mission et la vision. Les deux répondent à un objectif.

  • Une mission est un objectif ambitieux pour atteindre un but.
  • Une vision, en revanche, est la visualisation de votre mission.

Microsoft, par exemple, avait déclaré que sa mission était de « diriger la révolution de l’ordinateur personnel ». Mais sa vision était « un ordinateur sur chaque bureau et dans chaque foyer ». Pouvez-vous visualiser l’ordinateur sur le bureau ? Ainsi, le deuxième niveau de la pyramide vous donne deux vues du même but. Ils sont comme des jumeaux fraternels. Ceux-ci peuvent durer de cinq à vingt ans.

Sous les concepts jumeaux de mission et de vision se trouvent les diverses tactiques, ou objectifs à court terme, dont vous avez besoin pour les accomplir. Celles-ci seraient achevées en, disons, un à trois ans.

Il est important de comprendre que votre but ne peut être développé dans le vide. Vous devez considérer les cinq questions stratégiques en même temps, en faisant des allers-retours pour vous assurer qu’elles se soutiennent mutuellement.

3. Qui servons-nous ?

Vous servez les clients, bien sûr. Mais quels clients ? Qu’est-ce qu’ils ont en commun ? Comment communiquent-ils entre eux ? Quelle est la probabilité qu’ils forment une tribu autour de votre marque ? Quelles sont les règles tacites de la tribu ?

La plus grande erreur que font les entreprises est de supposer qu’elles sont en affaires pour servir les investisseurs. Ce point de vue est non seulement dégonflant pour les employés, mais contre-productif pour l’entreprise. Une entreprise qui place ses investisseurs avant ses clients finira par découvrir qu’elle n’a ni l’un ni l’autre.

Une façon de visualiser comment les actionnaires et les clients s’imbriquent est d’utiliser une boucle infinie que j’appelle l’écosystème de la marque. Cela se passe comme suit :

La direction nourrit les employés, les employés servent les clients, les clients attirent les investisseurs et les investisseurs soutiennent la direction.

Les investisseurs doivent soutenir la direction pour construire une entreprise durable. L’accent est mis sur la création et la croissance de votre tribu de clients. Tout le reste est secondaire.

Stratégie agile : Boucle infinie de l'écosystème de la marque

Comprendre votre tribu

La façon la plus simple de comprendre votre tribu est d’imaginer un client unique et idéalisé pour votre produit ou service. Dans notre agence, nous utilisons parfois un exercice de conférencier principal pour aider nos clients à penser à leurs clients. Cela commence par l’identification d’un porte-parole de la marque, une personne bien connue et respectée qui croit fermement en votre but et en vos produits. Si vous pouvez identifier le bon conférencier principal, vous aurez identifié votre client idéal, un défenseur qui peut défendre votre marque et aider à diriger la tribu.

Mais comment pouvez-vous identifier vos clients si vous n’êtes pas sûr de ce que vous vendez ? Encore une fois, vous devez commencer quelque part, n’importe où, et faire des allers-retours entre les cinq Qs jusqu’à ce que cela ait un sens.

3. Où devons-nous concourir ?

Le branding est un jeu de catégories. La catégorie dans laquelle vous choisissez de concourir ; et les produits et services que vous vendez sont des facteurs clés de votre capacité à gagner. Parfois, la catégorie est évidente, puisqu’elle sert de point de départ. Mais si votre point de départ est ailleurs, comme votre but, le champ peut être plus large.

Que vous vous en teniez à la catégorie dans laquelle vous vous trouvez ou que vous preniez une nouvelle direction, il est utile de poser des questions difficiles :

  • Avez-vous les compétences nécessaires pour concourir dans cette catégorie, et avec ce produit ou service ?
  • Si non, pouvez-vous acquérir les compétences dans un délai raisonnable ?
  • Avez-vous déjà de la crédibilité auprès des clients de cette catégorie ?
  • Le produit ou service crée-t-il des synergies avec d’autres produits ou services que vous vendez ?
  • L’entrée dans la catégorie vous mettra-t-elle en concurrence directe avec des marques plus fortes ?
  • De quel type de systèmes de gestion aurez-vous besoin pour prendre en charge votre nouvelle offre ?
  • Pouvez-vous vous permettre de bien le faire ?
  • À quoi ressemblerait le succès ?

Mon livre ZAG est une bonne référence pour savoir où concourir. Il répond également à la question suivante, « comment l’emporter face à la concurrence ? »

4. Comment allons-nous gagner ?

Cela nous amène à la question la plus fondamentale de toutes :

Pourquoi les clients choisiront-ils notre marque plutôt que les autres de la catégorie ?

Si votre réponse est « parce que notre produit est meilleur », vous vous trompez peut-être. Les clients peuvent rarement dire quel produit est le meilleur. Ils fondent généralement leurs décisions d’achat sur des indices secondaires tels que la popularité, le classement des clients, l’identité tribale ou le prix. Les faits basés sur les performances sont généralement moins convaincants que vous ne le pensez.

Alternativement, si votre réponse est « parce que notre produit est moins cher », vous ratez peut-être l’intérêt du branding. Le but du branding est d’amener plus de gens à acheter plus de choses pendant plus d’années à un prix plus élevé. Essayer de gagner en baissant le prix va à l’encontre d’un objectif clé du branding, à moins, bien sûr, que votre marque soit basée sur des remises. Dans ce cas, vous aurez besoin d’un plan pour vous assurer que vos remises génèrent des bénéfices durables et non une spirale descendante.

Les marques les plus performantes ne sont ni meilleures ni moins chères. Elles sont différentes. Plus important encore, elles sont différentes d’une manière que les clients trouvent convaincante.

Stratégie agile et positionnement

La discipline consistant à créer une différence convaincante est communément appelée positionnement. C’est l’art de trouver un créneau stratégique dans l’esprit de votre client.

«Vous ne pouvez jamais dire à un client quoi penser ou de quels produits tomber amoureux. Mais vous pouvez produire le type de produits, de messages et de comportements qui favorisent une position avantageuse dans l’esprit d’un client.

Le meilleur test de positionnement est ce que j’appelle la déclaration d’unicité. Vous pouvez l’essayer ici. Remplissez simplement les blancs.

NOTRE MARQUE EST LA SEULE __________ QUI __________.

Dans le premier blanc, écrivez votre catégorie (voir le troisième Q ci-dessus). Dans le deuxième blanc, écrivez votre différence convaincante. Par exemple :

  • Cirque du Soleil est le seul cirque avec la sophistication de Broadway.
  • JetBlue est la seule compagnie aérienne qui offre un confort de classe affaires pour le prix d’un autocar.
  • Dans Scramble, Safaar est la seule agence de voyages en ligne qui produit des itinéraires de bout en bout pour les vacanciers de la liste des choses à faire avant de mourir.

Si vous ne pouvez pas remplir le deuxième vide avec un différenciateur clair et convaincant, vous n’avez probablement pas de stratégie.

Même si vous le faites, gagner ne vient pas uniquement de la stratégie. Il y a deux parties dans la construction d’une marque : avoir la bonne idée ; et appliquer correctement l’idée. Bien faire les choses est la plus difficile des deux parties. Pourquoi ? Parce que cela exige les efforts coordonnés d’un large éventail de spécialistes, tant à l’intérieur qu’à l’extérieur de l’entreprise, pour créer une marque cohérente. De nombreuses entreprises ne sont pas configurées pour gérer la rigueur du branding. Mon livre, The Brand Gap, décrit à la fois le problème et la solution.

5. Comment allons-nous croître ?

De nombreuses entreprises ont réussi parce qu’elles ont tenté leur chance et ont eu de la chance. Elles sont l’équivalent commercial du joueur qui est né sur la troisième base et pense qu’il a frappé un triple. Pour chacune d’entre elles, il y en a eu dix qui ont été éliminées et dont on n’a plus jamais entendu parler.

Parmi les entreprises qui le font, beaucoup ne seront plus pertinentes dans vingt ans. Pour réussir et croître sur le marché volatile d’aujourd’hui, vous devez être capable d’innover à volonté, de vous adapter en permanence aux circonstances changeantes.

Pour qu’une entreprise soit durable, il lui faut plus qu’un bon produit. Elle a besoin d’une culture d’innovation continue ; le bon type de culture peut créer une dynamique avec de très petits apports, puis libérer de grandes quantités d’énergie chaque fois que nécessaire.

C’est ce qu’on appelle l’effet flywheel. Mais cela ne se fera pas en exhortant simplement les employés à « être plus innovants ». Cela nécessite un investissement constant dans les ressources humaines, la formation et les systèmes de récompense.

Recommandations pour une meilleure stratégie agile

Voici cinq changements modestes qui peuvent faire une différence notable :

  1. Élevez la marque au niveau du haut management. Le branding n’est n’est pas une préoccupation marketing. C’est une affaire d’entreprise. Nommez un CBO, Chief Brand Officer, pour gérer toutes les interactions avec la tribu client. C’est un gros travail qui ne peut pas être exécuté depuis un coin du bureau du CMO.
  2. Créez un centre d’innovation. Il peut s’agir d’un espace physique où de nouvelles idées sont prototypées et testées, ou d’un espace virtuel où les idées et les actifs sont partagés entre les employés. L’idée principale est de fournir une maison pour la collaboration créative.
  3. Investissez comme un capital-risqueur. Une culture de l’innovation a besoin d’un réservoir d’idées. Pour vérifier ces idées, imitez les investisseurs en capital-risque en utilisant un processus d’étape. Commencez avec un capital d’amorçage pour développer un concept. Faire un investissement légèrement plus important pour développer la stratégie. Faites un pari moyen pour prototyper et tester. Et, si les tests se passent bien, faites un gros pari pour lancer. Pensez grand, dépensez petit, construisez lentement.
  4. Institut de formation à la marque. Les entreprises réussissent mieux lorsqu’elles se différencient de leurs concurrents. Soulignez cette différence en formant les employés aux valeurs, méthodes et processus uniques qui donnent à l’entreprise son avantage.
  5. Récompensez la créativité des employés. Envoyer un message à la main-d’œuvre que la créativité est une compétence valorisée. Les récompenses ne doivent pas nécessairement être monétaires ; elles peuvent simplement offrir une reconnaissance et une promesse d’avancement. Nous attendons tous les mêmes choses de notre travail : quelque chose en quoi croire, la capacité de donner le meilleur de nous-mêmes et la reconnaissance d’une équipe que nous respectons. Vous pouvez en savoir plus sur la construction d’une culture créative dans mon livre The Designful Company.

Pour aller plus loin dans la stratégie agile

Voilà, l’essentiel de la stratégie agile en 15 minutes. Retrouvez l’article original en PDF :

scramble by marty neumeier

Lisez mon « business thriller » SCRAMBLE pour découvrir comment la stratégie agile se déroule dans une situation de collaboration, avec tous les obstacles, les revers et l’émotion palpitante que la concurrence peut apporter.

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