Infographe, graphiste ou infographiste tant de manières dont sont qualifiés les professionnels de la communication visuelle, ou graphisme. Mais sont-ce les bons intitulés ?
Depuis que je me suis penché sur les questions de branding, je me suis rendu compte que la traduction de l’anglais vers le français est responsable des incompréhensions ; et/ou de la mauvaise compréhension des principes.
À l’origine du graphisme : l’art et l’écriture
Pour la plupart, nous ne savons pas à quoi renvoie l’expression :
Afrique, berceau de l’humanité.
Et pour beaucoup d’entre nous qui avons grandi et fait nos études sur le continent, il nous a été systématiquement martelé que l’histoire de l’Afrique était basée sur la transmission orale. Ce que nous comprenions comme :
Les africains n’écrivent pas. Les africains n’ont pas écrit eux-mêmes leur histoire.
Déjà, comment pouvions-nous savoir autre chose ? Quand avant cela, il nous a été enseigné que c’est l’Européen qui nous introduit à la civilisation ?
Oui, certains seront tentés de me traiter d’afrocentriste, et je ne m’en offusquerai pas. 😂
Sources africaines historiques écrites
D’après le Pr H. Djait, dans Histoire générale de l’Afrique, Tome 1 :
Appréhender donc l’histoire africaine comme un tout et jeter, dans cette perspective, un regard sur ses sources écrites demeure une entreprise délicate et singulièrement difficile. […]
Cela dit, nous décomposerons l’époque sous étude en trois tranches principales, compte tenu de la double nécessité de diversité et d’unité : — l’Antiquité jusqu’à l’Islam : Ancien Empire jusqu’à + 622 ; — le premier âge islamique : de + 622 au milieu du XIe (1050) ; — le second âge islamique : du XIe au XVe siècle. Certes, ici, la notion d’Antiquité n’est pas comparable à celle en honneur dans l’histoire de l’Occident, dans la mesure où elle ne s’identifie que partiellement à l’Antiquité « classique » ; elle ne s’achève pas avec les invasions barbares, mais avec l’irruption du fait islamique. Mais, précisément, par la profondeur et l’ampleur de son impact, l’islam représente une rupture avec un passé qu’on pourrait appeler antique, préhistorique ou protohistorique selon les régions. C’est un fait aussi que, depuis l’époque hellénistique, la majeure partie de nos sources antiques sont écrites en grec et en latin.

Voici un tableau récapitulatif des sources écrites sur l’histoire de l’Afrique. Les sources africaines les plus anciennes en leur possession pour leur étude, remontent à l’année -2065 (Moyen Empire) : les Papyri hiératiques Ostraka.
Cette partie était destinée à cette déclaration du magnifique article de Graphéine sur le design graphique en Afrique :
À première vue, le métier de designer graphique semble rarement associé au continent africain. Question de culture et d’histoire. L’importance de la tradition orale, ainsi que la domination récente des langues européennes par le colonialisme, ont conduit à l’idée très répandue que les langues africaines dans leur ensemble n’avaient pas de formes écrites ou que celles-ci n’avaient été conçues que très récemment.

Je vous conseille de lire cet article qui fait un excellent résumé du livre Afrikan alphabets du Pr Saki Mafundikwa. Où il explique les langues Africaines… écrites.
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L’origine de l’alphabet
Voici ce qu’on peut lire sur le site de l’université de Shippensburg (Pennsylvanie) :
« L’alphabet original a été développé par un peuple sémitique vivant en Égypte ou à proximité.*
Ils l’ont basé sur l’idée développée par les Égyptiens, mais ont utilisé leurs propres symboles spécifiques. Il a été rapidement adopté par leurs voisins et parents à l’est et au nord, les Cananéens, les Hébreux et les Phéniciens.
Les Phéniciens ont répandu leur alphabet à d’autres peuples du Proche-Orient et d’Asie Mineure, ainsi qu’aux Arabes, aux Grecs et aux Étrusques, et aussi loin à l’ouest que l’Espagne actuelle. Les lettres et les noms à gauche sont ceux utilisés par les Phéniciens. Les lettres à droite sont des versions antérieures possibles. Si vous ne reconnaissez pas les lettres, sachez qu’elles sont depuis inversées (puisque les Phéniciens écrivaient de droite à gauche) et souvent tournées sur le côté ! »
* Jusqu’à récemment, on croyait que ces personnes vivaient dans le désert du Sinaï et ont commencé à utiliser leur alphabet dans les années 1700 av. En 1998, l’archéologue John Darnell a découvert des gravures rupestres dans la « Vallée des Horreurs » du sud de l’Egypte qui repoussent l’origine de l’alphabet aux années 1900 avant JC ou même avant. Les détails suggèrent que les inventeurs étaient des sémites travaillant en Égypte, qui ont ensuite transmis l’idée à leurs proches plus à l’est.
Si vous êtes plus curieux, vous pouvez lire cet article assez détaillé sur le site du Smithsonian, qui corrobore ces sources.

Ici, vous pourrez voir une timeline de l’Alphabet dans le monde, en commençant 32 siècles Av. JC.
L’art préhistorique Africain
Par le Pr Y. Ki-Zerbo, dans Histoire générale de l’Afrique, Tome 1 :
Dès que l’homme apparaît, il y a des outils, mais aussi une production artistique. Homo faber, homo artifex. Cela est vrai de la préhistoire africaine. Depuis des millénaires, les reliques préhistoriques de ce continent sont soumises à des dégradations du fait des hommes et des éléments. Les hommes, dès la Préhistoire, ont parfois perpétré des destructions dans un but d’iconoclastie magique. Les coloniaux civils ou militaires, les touristes, les pétroliers, les autochtones se livrent toujours à ces déprédations et « pillages éhontés » dont parle L. Balout dans la préface de la brochure de présentation de l’exposition : « Le Sahara avant le désert ».
En général, l’art préhistorique africain orne l’Afrique des hauts plateaux et des massifs, alors que l’Afrique des hautes chaînes, des cuvettes et des bassins fluviaux et forestiers de la zone équatoriale est incomparablement moins riche dans ce domaine.
Périodes
Si l’on veut classer les trouvailles de l’art préhistorique en séquences temporelles intelligibles, la première approche doit être géologique et écologique, puisqu’aussi bien c’est le milieu, plus contraignant qu’aujourd’hui pour des peuples alors plus démunis techniquement, qui posait et imposait le cadre général d’existence.
Le biotope, en particulier, conditionnait la vie des espèces représentées, y compris de l’homme lui-même, de ses techniques et de ses styles. S’il est vrai que, selon l’expression de J. Ruffie, « l’homme à l’origine a été un animal tropical » africain, les conditions boréales tempérées après les grandes glaciations ont permis une colonisation humaine de l’Europe, qui a culminé dans le splendide épanouissement de l’art des galeries souterraines il y a 40 siècles. L’art pariétal africain est bien postérieur.
Certains auteurs comme E. Holm pensent que ses origines datent de l’Epipaléolithique ; mais il a marqué essentiellement le Néolithique. Le Néolithique saharien, d’après les trouvailles récentes, s’avère d’ailleurs de plus en plus ancien. Un gisement néolithique à poteries du Hoggar a été daté au C 14 de 8450 ans BP [Before Present]. Il est donc pratiquement contemporain du Néolithique du Proche-Orient.
On a pris l’habitude de baptiser les grandes périodes de l’art pariétal par le nom d’un animal qui sert alors de repère typologique : quatre grandes séquences ont été ainsi caractérisées par le bubale, le boeuf, le cheval et le chameau.
Techniques
Les gravures En général, elles sont antérieures aux peintures là où ces dernières existent aussi, et leur technique la plus admirable apparaît dans les plus hautes périodes. Elles sont réalisées sur des roches gréseuses moins dures, mais aussi sur des granites et des quartzites, avec une pierre appointée frappée au percuteur néolithique, dont certains exemplaires ont été trouvés dans les parages des tableaux.
Les peintures
Elles ne doivent pas être dissociées entièrement des gravures. A Tissoukai par exemple, on voit sur les parois des esquisses gravées qui laissent supposer que les artistes gravaient avant de peindre. Ici aussi, l’art nécessitait parfois des exploits sportifs (peintures sur 9 mètres).
Les bijoux
L’art des parures n’exige pas une technique moins avancée, au contraire. Certaines perles sont en cornaline, roche extrêmement dure. Les débris laissés par les joailliers d’alors, à plusieurs étapes de leur travail, permettent de reconstituer celui-ci.
La poterie
Les pâtes pour la céramique étaient apprêtées avec un liant constitué de déjections de ruminants. Elles étaient ensuite montées « au colombin », c’est-à-dire avec un boudin de pâte enroulé sur lui-même et travaillé aux doigts et au lissoir. Les cols de ces vases sont multiformes : galbés en boudin, évasés, déversés, déjetés.
La sculpture
La sculpture n’est pas absente non plus. Elle porte cependant sur des miniatures : un ruminant couché, dans l’Oued Amazzar (Tassili) ; un boeuf couché à Tarzerouck (Hoggar) ; à Adjefou, un petit lièvre aux longues oreilles rabattues sur le corps ; une tête saisissante de bélier à Tamentit du Touat ; une pierre sculptée anthropomorphe d’Ouan Sidi dans l’erg oriental ; une tête de chouette splendidement stylisée à Tabelbalet ; à Tin Hanakaten, des figurines d’argile représentant des formes stylisées d’oiseaux, de femmes, de bovidés dont l’un porte encore deux brindilles en guise de cornes.

Alors, pourquoi cette longue introduction sur infographe, graphiste et infographiste ?
En réalité, le titre de cet article n’était qu’un prétexte pour rappeler l’importance historique de l’Afrique dans le métier que nous avons choisi de faire aujourd’hui : le design graphique.
Après la préhistoire, nous allons passer directement à l’ère moderne. Mais avant, nous allons résumer avec les propos de Meggs et Al. (1998) :
En accord avec la littérature historique, la communication visuelle a pris pas moins de 30 000 ans pour évoluer. Le rôle de la communication visuelle et la fonction de communication se sont développés lentement : les peintures rupestres réalisées entre 15 000 et 10 000 Av. JC, l’invention de l’écriture avec des pictogrammes en
Mésopotamie (3 100 Av. JC), l’invention du papier et l’impression en relief chinoise (second siècle Ap. J-C), l’amélioration des anciennes enluminures médiévales (8 siècles Ap. JC), la percée des fontes mobiles en Europe (1450 Ap. JC). Tout ceci a contribué à ce développement.
Après la percée des fontes mobiles en 1450
Petite précision, l’imprimerie existait avant Gutenberg. Il n’a pas inventé l’imprimerie, mais il l’a révolutionnée avec son propre système.

L’origine du système d’imprimerie de Gutenberg demeure floue. Certains historiens, comme J.-A Delaure, pensent que le grand frère de Johannes Gutenberg, Jean Gensfleisch, travaillait dès 1430 pour Laurent Coster, un moine sacristain qui maîtrisait déjà l’imprimerie en utilisant des caractères mobiles en bois. À la même époque, Johannes Gutenberg était apprenti orfèvre à Strasbourg. Il se spécialisait dans les alliages et la ciselure des métaux. En 1450, il se lance dans un nouveau projet qui va révolutionner l’imprimerie, et sera étroitement lié au développement de l’humanité.
Lisez toute l’histoire sur Futura Sciences.
Si vous voulez voir à quoi ressemblait le travail d’imprimerie à l’époque de Gutenberg, je vous invite à regarder cette magnifique vidéo sur un atelier traditionnel d’imprimerie :
L’art graphique : définition et contexte
Bien qu’améliorées et modifiées par la technologie moderne, incluant les logiciels et les ordinateurs, les bases de la communication sont essentiellement restées les mêmes à travers les millénaires.
La communication est un processus qui nécessite un émetteur, un message (une information ou un effort pour convaincre), un canal ou medium (la plateforme de transmission) et un récepteur de ce message c’est-à-dire l’audience.
Définissons d’abord l’expression art graphique et peut-être ses deux composantes.
D’après S.-Alain Laboz, dans son article L’art graphique et l’affiche : Deux fonctions : signifier et faire rêver.
Tout d’abord l’art.
On ne peut classer tout ce qui nous paraît beau dans la catégorie objet d’art (entendre objet au sens large, opposé à sujet). Une pierre ou un arbre ne sont objet d’art que dans la mesure où ils ont été créés ou modifiés par une volonté humaine.
L’art est une création consciente idéologiquement engagée.
On ne fait pas de l’art comme Monsieur Jourdain faisait de la prose.
Quelle que soit l’idée du beau que l’on se fait, un objet d’art n’est qu’un objet en face d’un sujet qui le crée ou qui le regarde comme oeuvre d’art, sinon il n’est qu’objet. C’est à ce titre que les oeuvres kitch sont des oeuvres d’art parce que voulues belles par leurs créateurs, vues belles par leurs utilisateurs. Il se peut que l’idée du beau qui ait présidé à la naissance d’un objet d’art et l’idée du beau qui préside à sa renaissance en tant qu’objet d’art pour l’utilisateur (entendre utilisateur au sens large qui englobe spectateur) ne soit pas la même, ce qui fait de l’art un état non pas de nature, mais de culture, un monde mental et comme tel diachronique (évolution des faits linguistiques dans le temps).
Ensuite le graphique
Pour le mot graphique utilisé bien souvent avec graphisme pour désigner une foule de choses différentes, je dois supposer qu’il nomme une qualité commune à toutes ces choses.
Pour mieux cerner ce qu’est cette qualité, nous pouvons essayer de voir ce qui n’est pas graphique.
- Un arbre mort ne peut être graphique mais sa photo peut l’être.
- Une aquarelle, par contre, ne peut être graphique.
La ligne, le trait semblent donc définir le graphique.
Devant le spectacle d’arbres dénudés, je suis obligé de reconnaître que, même si je ressens un effet graphique, je ne puis dire qu’il s’agit d’art.
L’art graphique, si l’on s’en tient à son étymologie, est un art de l’écriture ou, mieux, un art dont l’objet est l’ensemble des signes visuels du langage. C’est l’art de la conception et du tracé de ces signes.
Il est évident que ce tracé dépend à la fois d’une volonté et d’une technique, même d’une technologie. La tablette d’argile sumérienne et le nom de marque écrit dans le ciel par un avion sont au même titre des produits d’un art d’écrire.
À partir du moment où l’on fait intervenir dans l’art la notion de volonté, on est contraint d’y faire intervenir la motivation de cette volonté.
Dans le cas de l’art graphique, l’objet est déjà un système de signes. La volonté porte donc à la fois sur le signifié du signe et sur le signe lui même, sur sa graphie.

Donner du sens
On n’écrit par « Woolworth » ou « Vie des Arts » pour rien. On les écrit pour les nommer visuellement, pour les marquer, et, si l’on cherche à embellir le signe, c’est précisément pour en faire une marque, un moyen de différenciation, de distinction.
« Pain » ou « boulangerie » ne suffisent pas à différencier la boutique du boulanger de celle du teinturier, sinon pour ceux qui ont appris à déchiffrer le langage codé de ce message. Imaginez une rue où toutes les boutiques, absolument semblables, n’auraient pour toute ouverture qu’une porte avec une inscription en arabe ou en chinois pour désigner leur spécialisation, d’où la nécessité d’adjoindre aux mots un autre élément informatif : l’image.
La signification de l’image peut être immédiate ou seconde ; dans ce cas, l’image devient symbole. Par exemple, une vache, dans sa signification seconde, pourrait être symbole de lait, de viande ou de peau, alors que, dans sa signification première, elle serait vache seulement. Un tigre, par exemple, peut devenir image informative d’une marque d’essence après avoir été élément suggestif de nervosité, de rendement.
Ainsi, aux éléments informatifs, il faut bientôt rajouter des éléments suggestifs pour infléchir la volonté de l’utilisateur dans une direction prédéterminée, le faire acheter, le faire voter, lui faire s’imposer un jugement, lui créer une opinion, le réveiller, même, à une conscience révolutionnaire.
Infographe, graphiste ou infographiste : Histoire de l’info-graphie
Vous remarquerez que j’ai écrit le mot sous forme composée : « info » et « graphie ».
Dans son article en trois parties, une histoire de l’infographie, Peter Gabor dit ceci :
L’infographie ? Quel est ce terme barbare que chacun comprend et interprète aujourd’hui comme le travail sur l’ordinateur ?
Erreur commune bien entendu, contre-sens même. L’Info-graphie, ou plutôt Graphisme de l’Information (de l’Anglais infographics) existait bien avant l’arrivée de la PAO et des logiciels de mise en page ou de dessins vectoriels.
C’est une erreur très courante en effet de penser que tout opérateur de PAO est un infographiste. Et que l’infographie c’est du graphisme d’information.
Et c’est à ce niveau que se pose la question de savoir :
Infographie : métier ou résultat ?
Cela m’a toujours échappé, jusqu’au jour où cette discussion s’est envolée sur les RS. En effet, infographie est un mot utilisé en français pour dire deux choses différentes en anglais :
Infographie comme discipline : computer graphics

Retenons simplement que c’est tout ce qui a rapport à la création d’images numériques et de synthèse. À ne pas confondre avec la PAO.
Infographie comme résultat du travail d’un graphiste d’information :

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NOTES :
D’ailleurs, on peut voir dans cet article de Wired à quoi ressemblaient les infographies avant l’arrivée des ordinateurs.

Et cette vidéo nous montre l’évolution de l’infographie (infographics) au fil des années :
Si vous préférez lire, voici un article détaillé.
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Le graphisme d’information consistait, comme il consiste toujours aujourd’hui à tenter de simplifier, par l’abstraction des flux économiques (cours des valeurs boursières), politiques (résultat d’élections), scientifiques (schémas d’assemblage, d’architecture ou d’urbanisme) ou marketing (schéma de lancement de produits sur un marché concurrentiel).
Le premier rôle de l’infographie (infographics) étant bien entendu de simplifier l’information pour la rendre plus compréhensible lors d’une présentation devant une assemblée ou un auditoire plus large (télévision, internet etc.).
[…] Cette simplification, cette réduction des mots par un schéma, une illustration abstraite mais compréhensible de tous, est la clé de la réussite esthétique d’un bon schéma, d’une bonne infographie.
Ouvrages marquants sur la visualisation des données
Graphis Diagrams

Nous sommes donc dans le domaine du design d’information, ou graphisme de l’information, et aussi de la data & information visualization :
La visualisation des données est la représentation des données à l’aide de graphiques courants, tels que des graphiques, des tracés, des infographies et même des animations. Ces affichages visuels d’informations communiquent des relations de données complexes et des informations basées sur les données d’une manière facile à comprendre.
Ce qui nous empêche de confondre cette partie du design graphique au design graphique environnemental, en particulier le wayfinding.
Nous sommes donc d’accord que le mythe du graphiste qui fait le concept et celui de l’infographiste qui utilise l’ordinateur a lieu de mourir aujourd’hui ?
The Visual Display Of Quantitative Information
Je ne saurais boucler cette partie sans évoquer le très indispensable ouvrage de Edward Tufte, The Visual Display Of Quantitative Information ; c’est le livre classique sur les graphiques statistiques, les graphiques, les tableaux. Théorie et pratique dans le design de graphiques de données, 250 illustrations des meilleurs (et quelques-uns des pires) graphiques statistiques, avec une analyse détaillée de la façon d’afficher les données pour une analyse précise, efficace et rapide.

Design des écrans haute résolution, petits multiples. Modification et amélioration des graphismes. Le rapport données-encre. Séries chronologiques, graphiques relationnels, cartes de données, conceptions multivariées. Détection de tromperie graphique : variation de conception vs variation de données. Sources de tromperie. Esthétique et affichages graphiques de données.
Graphisme et informatique
Dans son article de 1998, dans le n°5 de la revue Graphisme en France, Michel Wlassikoff s’exprimait en ces termes :
Il y a dix ans environ la micro-informatique apparaissait de manière déterminante dans le champ du graphisme : premières machines performantes, premiers périphériques, et surtout premiers logiciels de publication assistée par ordinateur (PRO). (QuarkXPress est mis sur le marché fin 1987; lllustrator en 1988; et Photoshop en 1990). Ces logiciels graphiques n’ont cessé depuis, de s’améliorer et de s’imposer comme les outils essentiels de la PAO.
La chaîne graphique (c’est-à-dire l’ensemble des techniques et des activités qui concourent à la réalisation d’un imprimé) a subi de plein fouet ce bouleversement technologique.
La photocomposition est pour ainsi dire « remontée» vers les concepteurs graphiques grâce aux facilités de maniement de la typographie et de la mise en page.
La photogravure entre peu à peu dans le cadre de leurs prérogatives.
Cette mutation rapide, générale, parfois brutale puisqu’elle a provoqué la disparition de divers métiers, s’inscrit toutefois dans une constante évolution technique et fonctionnelle du domaine de l’imprimé, où les graphistes ont su trouver leur place depuis longtemps.
Les logiciels se sont ainsi inspirés des habitudes professionnelles et ont pris en compte les propositions des graphistes, ce qui a assuré leur adoption rapide et leur constante adaptation.
La suite ici.
Ce qu’il faut retenir c’est qu’il ne faut pas confondre l’infographie (computer graphics) à la publication assistée par ordinateur (PAO).
Alors, c’est quoi un infographe, un graphiste et un infographiste ?
Si on regarde les tendances de recherche sur Google Trends, on a des résultats plutôt évocateurs :

Dans le monde, et durant les cinq dernières années, il y a une préférence pour le terme graphisme, par rapport aux termes infographie et communication visuelle.
Mais si on y regarde de plus près, on se rendra compte que les recherches en rapport avec infographie portent plus sur la recherche de design d’information, de data visualization.

Nous verrons pour la même période et la même région, que l’utilisation du mot « infographe » tend à disparaître dans les usages, au profit de « infographiste ». Mais le mot « graphiste » leur est largement préféré.
Infographe
Déjà, les dernières versions des dictionnaires de l’Académie Française, du Larrouse et du Robert ne présentent plus aucune définition du mot infographe.
Mais pour la mémoire et l’histoire, voici comment le définit encore le dictionnaire reverso :
personne qui crée des images (graphe) à partir d’information (info). Il œuvre typiquement dans l’imagerie de synthèse qui ne peut exister hors de l’outil informatique. Contrairement à l’infographiste qui est avant tout un graphiste usant de l’outil informatique.
Je crois que cette définition, couramment répandue et couplée à cet article de André Hugues, ont contribué à créer beaucoup de confusion.
Car, comme nous l’avons vu plus haut, la technologie ne peut être un moyen de distinguer les deux, puisque le graphisme d’information (infographics) existait bien avant l’arrivée de l’ordinateur des les arts graphiques.
Graphiste vs infographiste
Dans son article devenu célèbre, André Hugues dit ceci :
Le métier d’infographiste est apparu avec l’arrivée des ordinateurs dans le domaine des communications graphiques. On disait de lui qu’il était un graphiste en informatique.
Le graphiste était donc celui qui créait, souvent à l’aide de procédés traditionnels et analogiques (photographie, illustration, typographie, collage,…) le concept à réaliser. Par la suite, l’infographiste réalisait le document sur l’ordinateur pour permettre la reproduction et l’impression (numérisation, mise en page, retouche photo, montage graphique, prépresse, …).
Ce qui est assez faux, comme on a pu le démontrer plus tôt dans notre énoncé. Dans ce cas de figure, les deux individus de son histoire sont des graphistes. À la seule différence que l’un savait se servir d’un ordinateur, et l’autre pas.
Graphiste et design graphique
Le graphiste fait de la communication visuelle.

D’ailleurs, en 1922, le designer de livres et typographe William Addison Dwiggins invente le terme « graphiste [graphic designer] » pour décrire ses activités en tant qu’individu qui apporte un ordre structurel et une forme visuelle aux communications imprimées. Le terme ne se généralise qu’après la Seconde Guerre mondiale.
Donc, lorsque vous faites du packaging, de la création publicitaire, des logotypes et même des identités visuelles, ou encore de la signalétique, vous faites de la communication visuelle.
Voici d’ailleurs ce qui entre dans les attributions d’un graphiste [extrait de Communication visuelle pour tous]:


Le graphiste d’information est un graphiste (graphic designer) qui s’est spécialisé dans le domaine du graphisme d’information qui est la représentation de données structurées d’une manière facile à consommer par une audience généraliste.
Je l’ai longtemps considéré à tort comme un infographiste. Le résultat de son travail est une infographie (infographics).
Infographiste et Computer Graphics
Le terme « infographie » est un mot-valise formé à partir d’« informatique » et de « graphie ». Originellement il s’agit d’une appellation déposée en France par la société Benson en 1974 et, à intervalles irréguliers, depuis la création expérimentale d’hologrammes par ordinateur.
Dès 1978, le laboratoire central de physique appliquée de l’université Johns-Hopkins diffuse un cours qui sera traduit dans l’ouvrage de David F. Rogers Mathematical Elements For Computer Graphics (adapté en français dix ans plus tard par Jacques J. Lecœur sous le titre Algorithmes pour l’infographie).
Le terme « infographie [computer graphics] » fait référence à tout ce qui est impliqué dans la création ou la manipulation d’images sur un ordinateur, y compris les images animées.
Il s’agit d’un domaine très vaste, et dans lequel les changements et les progrès semblent se produire à un rythme vertigineux. Il peut être difficile pour un débutant de savoir par où commencer. Cependant, il existe un noyau d’idées fondamentales qui font partie de la base de la plupart des applications de l’infographie.
L’objectif principal […] est le graphisme en trois dimensions (3D), où la majeure partie du travail consiste à produire un modèle 3D d’une scène. Mais finalement, dans presque tous les cas, le résultat final d’un projet d’infographie est une image en deux dimensions. Et bien sûr, la production et la manipulation directes d’images 2D est un sujet important à part entière. De plus, beaucoup d’idées passent de deux dimensions à trois.
L’infographiste est un “informaticien”, il se sert des mathématiques et de la programmation informatique pour créer des images numériques et de synthèse.
En fin de compte, très peu d’entre nous faisons de l’infographie, du “computer graphics”… La douleur ! 😂
Ce qu’il faut retenir au sujet d’infographe, graphiste ou infographiste
Les choses sont peut-être plus claires pour moi parce que j’ai un background professionnel anglo-saxon, et que j’aborde ma pratique professionnelle sous le même angle.
Pour tous ceux qui veulent vraiment avancer dans ce métier, il est impératif d’apprendre un peu d’anglais. Les deux livres en français que j’ai partagé avec vous aujourd’hui ont été publiés originellement en anglais ; puis traduits en français.
Et je dois vous dire que la qualité de la traduction s’est largement améliorée avec le temps, tant à l’époque, la compréhension de ces métiers était biaisée en francophonie.
Excusez-moi d’insister sur la clarté et la compréhension de ces concepts que je trouve fondamentaux. Mais, bien comprendre qui fait quoi et en quoi consiste son job vous permet de vous orienter dans votre propre carrière.
- Graphiste 👉🏽 Communication visuelle = Design graphique = Graphisme
- Infographiste 👉🏽 Computer Graphics
- Infographe 👉🏽 Je sais toujours pas ce que c’est 🤧 D’ailleurs ce mot n’existe PLUS dans le dictionnaire. 🤷🏾♂️ « infographe » aujourd’hui, n’est pas différent de #InternetExplorer 🥺