Bien que le rapport entre les arts graphiques et le marketing puisse être évident pour le professionnel de la communication, il n’apparaît malheureusement pas aussi clairement au professionnel du marketing.
Cette idée d’article (de chronique) m’est venue lorsqu’un ami qui organise un salon sur les arts graphiques (le SIAGI –Salon de l’Image, des Arts Graphiques et de l’Imprimé) m’appelle, indigné, pour m’annoncer que le professionnel du marketing auquel il a fait appel lui a répondu :
Je ne vois pas ce que le marketing a à voir avec les arts graphiques.
J’ai pensé : « Damn! Il faut être dingue pour ne pas voir le rapport ! » Et là, je me suis rappelé que tout le monde n’était pas graphiste ou designer graphique.
Ceci dit, je comprends qu’il ne soit pas facile de percevoir le rapport (qui me semble évident) entre ces deux disciplines. Du divertissement (art – sens péjoratif) et de la création de valeur (marketing). Mais commençons par le début, définissons les arts graphiques, ou tout simplement, découvrons-les !
Les arts graphiques : histoire et définitions
Je ne vais pas m’étaler en conjectures, et je vais aller droit au but en reprenant une partie de l’excellent article de l’Encyclopédie Canadienne, Arts graphiques et graphisme :
Les arts graphiques et le graphisme (ou design graphique), sont deux branches des communications verbales et visuelles qui incluent les secteurs connexes de l’art commercial, l’illustration de livres et de périodiques, la typographie et la création de caractères. On les appelle « arts appliqués » pour les distinguer de ce qu’on nomme les « beaux-arts » (qui incluent la gravure), à cause de leur dépendance à l’égard du message à transmettre, de l’objet à vendre ou du service à annoncer. De ce point de vue, ils sont les proches parents du design industriel.
Arts graphiques ou communications visuelles
Depuis quelques années, les arts graphiques se confondent avec les communications visuelles et le design d’information. Dans Graphic Design: A Concise History (Londres, 1994), Richard Hollis écrit :
Les graphiques peuvent être des signes, comme les lettres de l’alphabet, ou constituer un élément d’un autre système de signes, comme le marquage routier. Mis ensemble, les signes graphiques […] constituent des images. Le graphisme consiste à dessiner ou à choisir des signes et à les disposer sur une surface de façon à transmettre une idée.
De son côté, Christian Dubuis Santini, enseignant à e-artsup définit les arts graphiques en ces termes :
L’art graphique est la base des arts appliqués. Apprendre l’art graphique, c’est essentiellement apprendre deux choses : d’une part apprendre des lois issues d’une pratique multiséculaire (graphein = écrire, l’art graphique commence avec l’invention de l’écriture…) et d’autre part apprendre comment faire avec ces lois, comment s’exprimer le plus efficacement possible par une bonne connaissance et une bonne utilisation de ces lois (qui peut aller jusqu’à leur transgression).
L’art graphique, ce sont les allers-retours entre la pratique (en partie liée aux évolutions des moyens d’expression) et la compréhension de ces lois (qui régissent l’acte d’exprimer) qui permettent d’apprendre à composer avec justesse un message sur le plan visuel. L’art graphique est l’art de s’exprimer par l’intermédiaire du langage visuel (qui est un langage à part entière, possédant sa grammaire spécifique, sa syntaxe, son histoire…).
Pour compléter cette partie, je vous conseille cet article de Erudit, L’art graphique et l’affiche.
À partir de ces définitions, je crois que l’on peut commencer à voir le rapport, non ? Toujours pas ?
Dans ce cas, nous allons parler un peu de marketing.
Le marketing, c’est quoi ?
Le marketing c’est être cool. Oui, c’est peut-être vrai, mais son but est avant tout de créer de la valeur à la fois pour l’entreprise et l’acheteur.
Définition de l’American Marketing Association : « Le marketing consiste à planifier et mettre en œuvre l’élaboration, la tarification, la communication, et la distribution d’une idée, d’un produit, ou d’un service en vue d’un échange mutuellement satisfaisant pour les organisations comme les individus. »
Gérer les échanges demande beaucoup de travail et de talent. Le marketing management apparaît dès lors qu’une des parties recherche activement à obtenir la réponse qu’elle souhaite des autres parties à l’échange.
Finalement selon Kotler & Dubois : « Le marketing management, c’est la science et l’art de choisir ses marchés-cibles et d’attirer, de conserver, et de développer une clientèle en créant, délivrant et communiquant de la valeur. »
Avant de conclure par les 4P, faisons un détour en nous appesantissant un peu sur la notion de produit.
Le produit, en marketing
La planification marketing commence par la formulation d’une offre susceptible de répondre aux désirs des clients visés. Ceux-ci la jugeront en fonction de trois éléments : les caractéristiques et la qualité du produit, la qualité et la combinaison des services, et enfin, le prix.
On appelle produit tout ce qui peut être offert sur un marché de façon à y satisfaire un besoin. Un produit peut être un bien tangible, un service, une expérience, un événement, un lieu, une personne, une organisation, une idée, ou se composer d’une combinaison de ces différents éléments.
Les caractéristiques clés du produit en marketing
Concernant le produit, nous pouvons résumer très rapidement en retenant que :
- Le produit est la variable la plus importante du marketing-mix. Par produit, il faut entendre tout ce qui peut être offert sur le marché pour satisfaire un besoin. Élaborer la politique de produit consiste à définir de manière cohérente I’assortiment des produits, les gammes, le packaging et l’étiquette. C’est à ce niveau qu’interviennent souvent les arts graphiques.
- Tout produit s’analyse à cinq niveaux. Le bénéfice central correspond à l’avantage que le consommateur recherche. Le produit générique est défini par l’offre de base dans la catégorie. S’il est un produit attendu, il coïncide avec les attributs espérés par le consommateur. par contre, le produit augmenté traduit l’ensemble des services et avantages associés au produit. Quant au produit potentiel, il correspond à toutes les améliorations envisageables.
- Le design rassemble l’ensemble des éléments qui affectent l’apparence et le fonctionnement du produit. Il détermine les émotions générées par le produit, la manière de l’utiliser, sa dimension symbolique et la signification qu’il revêt pour le client. Il constitue une source importante de différenciation.
- Les produits de luxe exigent un marketing particulièrement soigné, fondé sur une forte dimension émotionnelle, une qualité irréprochable, un style spécifique, et un ancrage dans les valeurs et les styles de vie.
Le marketing mix ou les 4P
Définition du marketing mix.
Le marketing mix ou plan de marchéage est l’ensemble des actions ou politiques, dosées et cohérentes, portant sur le produit, le prix, la distribution et la communication.
Cette politique commerciale est couramment appelée les 4P en référence à son origine anglo-saxonne : product/price/place/promotion.
Les actions du plan marketing
Les politiques de produit, de prix, de distribution et de communication, autour desquelles s’articule le plan de marchéage et qui ont toutes pour but d’adapter la démarche commerciale de l’entreprise aux besoins des consommateurs, définissent les choix à opérer pour chacune de ces variables :
Produit
Décisions portant sur la définition et les caractéristiques du produit et de sa meilleure adéquation possible aux besoins.
Prix
Il déterminé à partir des coûts de revient, il dépend de la politique commerciale. Il sera vendu cher, même si le coût de production est faible, dès lors que la clientèle visée est haut de gamme. L’entreprise peut aussi décider de toucher un maximum de consommateurs en comprimant ses marges et en vendant à un prix bas.
Distribution
Choix du circuit et des zones de distribution.
Communication
Actions à entreprendre pour faire connaître et informer les consommateurs des qualités et des avantages du produit.
Maintenant, vous voyez le rapport entre arts graphiques et marketing ?
Il est apparent que les deux disciplines se croisent à plusieurs reprises, notamment quand on tient compte des politiques du marketing au niveau du produit et de la communication.
Au niveau du produit, outre le design produit, il y a le packaging qui entre en ligne de compte.
Arts graphiques & design produit : l’exemple de Nivea
Nous prendrons l’exemple de Nivea qui a travaillé avec l’artiste Yves Behar pour le cas du design produit.
Ce qui a immédiatement émergé de la discussion était l’importance de l’histoire de la marque, son omniprésence de longue date, la question que nous nous sommes posés ensemble était de savoir comment revenir à cette essence, comment traduire l’histoire en un produit contemporain, futuriste. Nous avons décidé que l’objet pourrait raconter l’histoire par lui-même, plus que la publicité, plus que le marketing.
– Yves Behar
Arts graphiques & marketing : l’exemple de Vodka Absolut
Et dans le cas du packaging, je souhaiterais évoquer la collaboration de Pernod Ricard avec des artistes internationaux dans le cadre de son hommage aux grandes villes avec la marque Absolut Vodka. Je me focaliserai sur le travail de l’artiste anglais Jamie Hewlett.
Pour Absolut London, j’ai choisi de recréer sept personnages emblématiques de différentes époques qui sont largement définis par leur style ainsi que leur contribution percutante à la culture de Londres à l’époque.
– Jamie Hewlett
Et maintenant au niveau de la communication, je vous propose de regarder autour de vous, toutes les affiches qui aident le marketing à atteindre ses objectifs (notoriété, promotion). Et pour conclure à cet effet, je souhaiterais revenir sur cette interview post-mortem de Cassandre :
Strabic : Qu’est-ce qu’une bonne affiche selon vous ?
Cassandre : Je crois que l’affiche d’aujourd’hui s’est définie elle-même par la nature du public auquel elle doit s’adresser. Elle s’adresse, je ne vous l’apprendrai pas, à un homme qui est avant tout distrait, l’homme de la rue. Elle doit forcer son regard, un regard qui ne la cherchera jamais. Par conséquent, elle doit avoir une puissance d’appel très brutale, qui échappe à toutes règles même esthétiques…
Et vous, qu’en pensez-vous ?