J’ai été surpris par tellement de réactions lors de la révélation du logo des jeux olympiques d’été de Paris 2024. La plus grande consternation était : « Pourquoi l’ont-ils changé ? »
Pas qu’olympiques
Il est important de rappeler que nous sommes tous d’une manière ou d’une autre allergiques au changement, nous sommes des êtres d’habitude, de routine, alors oui, le changement fait peur.
Suis-je en train de défendre ce nouveau logo ? Je ne sais pas. Vous vous ferez votre propre avis à la fin de cet article.
Je prendrai deux exemples (célèbres) de logos qui ont été repensés et qui selon certains sont des échecs. Je vous dirai ce pour quoi je suis d’accord, et ce pour quoi je ne le suis pas.
GAP
En 2010, Gap a fièrement publié son nouveau logo, résultat de mois de travail et de 100 millions de dollars.
La réaction face à la nouvelle identité de la société a choqué les dirigeants : les designers, les fans de la marque, les médias et quasiment tous ceux qui possèdent un compte sur un réseau social ou un blog ont fustigé l’entreprise pour le design horrible de son nouveau logo, mais également pour l’action suivante de la marque – solliciter des idées de logo auprès du public.
La nouvelle identité de marque détestée n’a duré que six jours (17 millions de dollars de pertes par jour) avant que Gap ne revienne à son identité emblématique.
D’accord.
British Petroleum (BP)
En 2000, BP a pris un logo fort qui existait dans leur entreprise depuis environ 70 ans et l’a remplacé par le logo actuel, le « Helios » – nom du dieu grec du soleil.
La palette de couleurs est le seul élément du logo original de British Petroleum que le nouveau design conserve.
Auparavant, BP affichait un logo concis avec un faible encombrement. Lorsqu’ils ont changé de nom, l’empreinte a augmenté et le logo a perdu tout son attrait intemporel. L’intemporalité est essentielle pour créer un logo efficace.
Pas d’accord.
Quand Landor a audité le capital de marque de BP après le rebranding, voici les résultats.
La seule chose qui a coûté cher à BP par rapport à son positionnement de producteur de pétrole « propre » est la catastrophe de Deepwater Horizon en 2010, ils ne s’en sont jamais relevés.
Vous remarquerez que lorsqu’on parle de succès ou d’échec d’un rebranding ce n’est pas tant la perception du public qui est primordiale, mais l’impact sur le chiffre d’affaires.
Revenons donc à notre sujet principal du jour : les logos olympiques.
London 2012
C’est le premier logo olympique qui a reçu les foudres du public (à ma connaissance). Lorsqu’il a été révélé en 2007 par Wolff Olins, une pétition a circulé en Grande-Bretagne, signée par plus de 48 000 citoyens, demandant que le logo de 400 000 £ soit mis au rebut et redessiné.
Lord Sebastian Coe, président des Jeux olympiques de Londres, défend le design lors de son lancement en 2007 en déclarant :
Ce ne sera pas le goût de tout le monde mais c’est une marque qui, nous le croyons sincèrement, peut être une marque travailleuse qui s’appuie sur pratiquement tout ce que nous avons dit à Singapour en ce qui concerne toucher et engager les jeunes.
Aujourd’hui, le logo est encore parmi les plus contestés et controversés de tous les âges. Cependant, le comité olympique de Londres a respecté le design original et construit une identité complète autour de celui-ci en utilisant la police 2012 presque partout dans le parc olympique, y compris sur la piste de course à pied.
Voici les déclinaisons qui en ont été faites par l’agence Future Brand :
Ce qui me pousse à inviter tous les contestataires du logo de Paris 2024 à la prudence : le système est plus important que la clé. Puisque que comme le dit Milton Glaser :
Le logo est le point d’entrée d’une marque.
Alors, lorsque l’on se limite à un emblème sans chercher l’histoire derrière, je trouve cela belliqueux, comme démarche. Cela me rappelle moi-même à une certaine époque. 😜
Un peu d’histoire sur les logos des jeux olympiques
J’ai pensé qu’il serait intéressant de revenir sur les logos olympiques du passé pour voir l’évolution. Tous sont colorés et reflètent un peu la personnalité du pays hôte. Vous pouvez les voir ci-dessous.
Chaque logo reflète directement les tendances actuelles en matière de design et de mode de chaque pays et du monde entier. L’évolution des logos des Jeux Olympiques a vraiment pris de l’ampleur avec la création du drapeau olympique. Ces 5 anneaux de couleur sur fond blanc, qui nous sont si familiers, ont été créés par Pierre de Coubertin, fondateur des Jeux olympiques modernes, en 1914.
Je voudrais faire une mention spéciale ici, au logo des jeux olympiques de Rio, contesté lui aussi.
Je crois que cette vague de contestation prend de plus en plus d’ampleur à cause de la capacité de tout individu aujourd’hui à avoir accès, grâce aux RS à une audience. Et dans les prises de position, il y a beaucoup trop de subjectivité.
Ce qui pose la question de savoir : qui est habilité à faire de la critique en design ? Sachant que dans ce cas précis, cela se fait en présence du brief de création.
Logo d’institut de beauté pour le logo de Paris 2024 ?
C’est le premier reproche qui est fait à ce logo. Tellement simpliste qu’il identifie un salon de coiffure pour femmes. Pourtant moi, à petite échelle, ce qui me saute aux yeux est la flamme olympique du symbole de la marque.
Avant d’aller plus loin, voici ma toute première intervention sur ce sujet, sur LinkedIn :
Ce qui me déçoit, ce sont tous ces gens qui prétendent être des designers et se concentrent uniquement sur le logo.
Un logo existe dans un système, qu’en est-il de se concentrer sur l’ensemble du système plutôt que sur le logo uniquement ? Et c’est bizarre de critiquer juste en fonction de ses propres sentiments. Qu’en est-il du brief ?
Rappelez-vous l’identité de Londres 2012.
Composition des logos olympiques
Symbole de la marque + logotype + endorsement
Pourquoi est-ce que je fais cette illustration ? Parce que presque tous les apprentis sorciers se sont focalisés sur le symbole de la marque, faisant abstraction de tout le verrouillage, et particulièrement de la typographie.
Rationale
Le nouveau design réunit trois symboles emblématiques liés au sport, aux Jeux et à la France – la médaille d’or, les flammes olympique et paralympique et Marianne.
L’emblème
Il embrasse la forme et la couleur de la plus belle médaille de toutes, exprimant l’une des valeurs fondamentales du sport : la recherche de l’excellence. Ce même engagement informe également de chaque étape de l’organisation des Jeux Olympiques et Paralympiques de Paris 2024, afin de pouvoir tenir les engagements pris pour l’organisation de Jeux différents, enracinés, durables et inclusifs.
Les flammes
olympique et paralympique, les flammes évoquent toujours des souvenirs particuliers. La flamme nous invite à rêver, à nous engager et à proposer de nouvelles façons d’organiser les Jeux olmypiques et paralympiques. Cela reflète l’énergie unique des Jeux, qui rassemble les gens et fait progresser les solutions. Les Jeux contribueront à améliorer la vie des habitants de la région de Seine-Saint-Denis en leur léguant des infrastructures utiles : des éco-quartiers, par la transformation des villages des athlètes et des médias en logements, et la création d’installations sportives locales, telles que le Centre olympique aquatique.
Enfin, Marianne.
Avec ses traits féminins, l’emblème de Paris 2024 rend hommage à une femme qui est un symbole national français connu dans le monde entier. Elle incarne l’esprit révolutionnaire qui imprègne les Jeux olympiques et paralympiques de Paris. Elle résume le désir de faire sortir les compétitions du stade et de les placer au cœur de la ville. Personnage familier, omniprésent dans la vie quotidienne des Français, elle rappelle également que ces jeux seront des jeux pour tous, des jeux qui appartiendront au peuple. Son visage est aussi un hommage aux athlètes féminines et un clin d’œil à l’histoire, comme ce fut en 1900 aux Jeux olympiques de Paris que les femmes furent autorisées à participer.
Si vous ne savez pas ce qu’est un rationale, prenez des cours de design, pardi. 😜
C’est simplement un argumentaire qui accompagne la présentation de la solution au brief donné.
Quelques éléments supplémentaires pour compléter cette magnifique mise au point.
En vidéo :
Résumé en anglais :
Regardez la vidéo complète ici.
Alternatives pour le logo de Paris 2024 ?
J’ai été bluffé par l’approche de confrères Français, Grapheine pour le logo de Paris 2024 :
Les deux logos sont issus de la même forme. Un simple changement de l’angle de vue permet de passer du logo des Jeux Olympiques à celui des Jeux Paralympiques. Ce rapprochement symbolique entre les deux logos est un geste fort qui pourra agir comme une passerelle entre le monde des sportifs valides et celui des sportifs handicapés.
Logo Paris 2024… Si nous l’avions fait chez Lotin Corp. ?
Je suis d’accord avec l’avis global du public qui estime que le logo prête à confusion avec un salon de coiffure.
Il y a plusieurs manières de lever l’équivoque à laquelle probablement, l’équipe design de Royalties Ecobranding a dû penser. Mais à mon avis la simplicité a primé.
Imaginons la démarche :
Nous partons dans l’esprit de la médaille olympique telle qu’imaginée par Philippe Starck :
Une image vaut mille mots, je crois, non ?
Si on part sur le principe du less is more, alors les créatifs de Royalties Ecobranding ne se sont pas fourvoyés.
Je vous laisse avec cette citation de Antoine de St-Exupery :
L’artiste [designer] sait qu’il a atteint la perfection non pas quand il n’y a plus rien à ajouter, mais quand il n’y a plus rien à enlever.
Et vous, quel est votre avis ?
Post Scriptum
Nous sommes le 27 juillet 2024, le lendemain de la cérémonie d’ouverture des Jeux Olympiques de Paris 2024.
Un jour plus tôt, les critiques ont fusé, une fois de plus.
Sauf qu’à part de la provocation, je n’y vois rien d’autre.
Car après le dévoilement du Look of the Games, les critiques devraient cesser. 🤷🏾♂️
Mais bon…
Lors de la rédaction initiale de cet article (24.10.2019), j’avais mis en garde les critiques, en rappelant ce qui s’était passé avec les jeux de Londres 2012.
Le logo n’est que la clé d’un système plus grand, d’un univers visuel plus élaboré et plus complexe.
Le Look of the Games
Le Look of the Games est l’identité visuelle qui accompagne spectateurs, sportifs, bénévoles, et tous les acteurs des Jeux pendant la compétition.
Il décore l’ensemble des lieux qui composent les Jeux : du terrain de compétition au Village des athlètes, et même partout dans la ville. Il incarne l’esprit d’une édition, et la rend identifiable au premier regard.
Pour la première fois, le Look sera également décliné par les villes hôtes.
Coloré et esthétique, audacieux et épuré, moderne et riche en symboles.
Le Look of the Games de Paris 2024 répond à quatre objectifs :
- Un Look conçu pour célébrer le sport, en prônant l’esprit festif des Jeux dans une identité visuelle colorée et joyeuse.
- Un Look avec le sens du style et de l’élégance à la française d’inspiration art déco, pour mettre en lumière et sublimer les performances des athlètes.
- Un Look responsable, qui sera le même pour les Jeux Olympiques et pour les Jeux Paralympiques sauf quelques adaptations minimes.
- Enfin, un Look personnalisable, puisque les Jeux de Paris 2024 sont ceux de toute la France, le Look de Paris 2024 sera adapté à l’image des collectivités hôtes et des partenaires, une première dans l’histoire des Jeux.
L’affiche des jeux de Paris 2024
Les Affiches Officielles des Jeux de Paris 2024 ont été révélées le 4 mars 2024 au Musée d’Orsay.
Destinées à illustrer l’édition des Jeux qu’elles représentent, les Affiches sont une tradition : depuis les Jeux de Stockholm en 1912, chaque Comité d’organisation y met à l’honneur ses symboles.
Les Affiches Officielles de Paris 2024 ont été réalisées en collaboration avec le dessinateur français Ugo Gattoni. Riches en détails, elles sont la représentation rêvée d’une ville-stade en écho à notre slogan « Ouvrons grand les Jeux » et en référence à l’ambition de notre projet : mettre du sport dans la ville.
Dessinée par Ugo Gattoni
Pour relever l’immense défi de représenter la richesse du projet Paris 2024 au sein d’une même œuvre, Paris 2024 a sollicité le dessinateur Ugo Gattoni pour imaginer avec lui une fresque spectaculaire.
Ugo Gattoni est un dessinateur français né en 1988 à Paris. Sa patte et ses différentes réalisations lui ont offert un rayonnement international qui lui a permis de collaborer avec de grandes maisons de luxe françaises.
Son style caractéristique est marqué par la fantaisie et le surréalisme, ainsi que par la profusion de détails. Dans ses dessins, le géant côtoie le minuscule, et le spectateur est invité à se perdre à loisir dans les multitudes de micro-histoires racontées.
Pour créer les Affiches Officielles de Paris 2024, Ugo Gattoni s’est d’abord imprégné de la vision et de l’univers de Paris 2024, afin de pouvoir illustrer au mieux l’âme de cette édition des Jeux.
Au total, la création des Affiches Officielles aura nécessité plus de 2 000 heures de travail à Ugo Gattoni, soit six mois de travail intense.
Les mascottes de Paris 2024
Depuis leur apparition, les mascottes ont toujours eu une place à part dans l’histoire des Jeux Olympiques et Paralympiques.
Figures incontournables et extrêmement populaires, elles sont le lien émotionnel entre les Jeux et les gens et contribuent à l’ambiance et à l’esprit de fête dans les stades et les lieux de célébration.
Les mascottes sont les premières ambassadrices d’une édition et d’un pays hôte, par les valeurs et l’image qu’elles projettent.
À Paris 2024, ils voulaient des mascottes qui incarnent leur vision et puissent la partager avec les Français et le monde. Plutôt qu’un animal, leurs mascottes représentent un idéal.
Le bonnet phrygien est un symbole de liberté. Parce qu’il est familier aux familier aux Français, sur leurs timbres jusqu’aux frontons des mairies, il représente aussi cette identité et cet esprit français.
Les mascottes de Paris 2024 sont aussi à l’image de l’engagement du Comité d’Organisation pour une société plus inclusive. L’une d’entre elles porte un attribut singulier : une prothèse sportive avec une lame, pour une meilleure visibilité des para athlètes et des personnes en situation de handicap.
Ensemble, en plus d’être l’incarnation des Jeux, elles en seront le relais. Elles porteront l’ambition de Jeux qui font leur révolution.
Les pictogrammes de Paris 2024
Bien plus qu’une signalétique, un langage universel.
Dans l’univers des Jeux, les pictogrammes sont des signes représentant chacun une discipline olympique ou paralympique.
Il s’agit d’un langage universel permettant de se repérer instinctivement, sans barrière de langue. Les pictogrammes servent à identifier en un coup d’œil le sport et la discipline dont il est question, que ce soit sur un billet, à la télévision ou à l’abord d’un stade, notamment pour orienter les spectateurs vers les sites de compétition.
Au fil des années, les pictogrammes sont devenus une partie prenante du look des Jeux, un moyen d’expression à part entière pour les pays hôtes. Pour marquer son style, sa culture et promouvoir l’esprit de son édition.
Plus qu’un picto, un blason
Paris 2024 innove et réinvente le pictogramme.
Il en fait un blason derrière lequel se trouvent à la fois une discipline sportive, une famille, une fierté, des valeurs, une tribu.
Ce blason est un code de communauté, un emblème, un étendard derrière lequel se rallier. On le brandit avec fierté, l’emporte avec soi et le porte sur soi pour prôner son appartenance à la famille sportive que l’on s’est choisie.
Disrupté, le pictogramme fonctionnel devient émotionnel : il est un marqueur d’attachement à une grande et belle communauté sportive.
Chaque blason de Paris 2024 est composé de trois éléments graphiques :
- un axe de symétrie,
- une représentation du terrain et
- un élément d’action distinctif du sport illustré.
Bien sûr, avec style et élégance : à la française ! L’art et le sport ne font alors plus qu’un.
Suite à la révélation de tous ces éléments qui accompagnent le logo, pensez-vous toujours que c’est un échec ?