J’ai annoncé dans l’article précédent que nous traiterions des problèmes liés à l’échec des investissements de la diaspora en Afrique.
En effet, tout a commencé avec une interpellation sous cette publication :
Il est à noter que la diaspora africaine pense peser lourd sur le développement du continent à travers les transferts d’argent. Ce qui n’est pas tout à fait mon avis, que partage d’ailleurs quelques experts.
Transferts d’argent de la diaspora : chiffres
Aujourd’hui, la diaspora Sénégalaise est citée en exemple, mais dans les années ’70, c’était la diaspora Camerounaise.
Les chiffres détaillés de 2019 sont ici : https://afrique.latribune.fr/economie/2019-04-10/transferts-de-fonds-la-diaspora-africaine-toujours-plus-genereuse-rapport-813686.html
État des lieux et études
Alors que la conviction collective dominante affirme que la fuite des cerveaux est préjudiciable au développement des petites économies, les nouvelles études s’y opposent.Cette étude vise à étudier le rôle de la diaspora africaine dans le développement économique de l’Afrique. Elle analyse à la fois l’effet global et l’effet spécifique de l’émigration en fonction du niveau d’éducation des émigrés. Ensuite, à travers une enquête plus approfondie, le document analyse les principaux canaux par lesquels la diaspora influence le développement économique en Afrique.
Les résultats montrent que la diaspora africaine contribue de manière positive, significative et solide à l’amélioration du revenu réel par habitant en Afrique. Ces résultats remettent en cause la croyance collective dominante car, plus le niveau d’instruction des émigrants est élevé, plus l’impact de la diaspora sur le niveau de développement économique est important. Les améliorations du capital humain, de la productivité totale des facteurs et de la démocratie sont des canaux de transmission efficaces de cet impact.
Enfin, les résultats montrent que si les émigrants hautement qualifiés ont globalement un impact plus important sur le développement économique et la démocratie, ceux qui ont un faible niveau d’éducation contribuent davantage aux envois de fonds en Afrique.
La création, par la BAD, d’une université d’été annuelle pour la diaspora africaine (African Diaspora Summer School), en partenariat avec les parties prenantes internationales et régionales concernées, en tant que canal de transfert de connaissances, de technologie et d’expérience renforcerait encore le rôle de la diaspora dans le développement économique de l’Afrique.
Source : https://ideas.repec.org/p/ulp/sbbeta/2018-08.html
Cette étude fait un point sur l’impact économique et social des envois d’argent de la diaspora vers le continent.
Pourquoi dans certains pays Africains l’investissement est une gageure ?
Une fois de plus, je ne pense pas que se limiter à envoyer de l’argent au pays suffise à dire qu’on investit, ou qu’on contribue à l’économie du pays.
Il est important de s’interroger sur ce à quoi cet argent est destiné :
- Frais scolaires
- Frais de santé
- Ration alimentaire
- Projet de construction
Ce sont les 4 principales raisons d’envoi d’argent et on se rend compte que tout cela c’est des charges. À part les frais scolaires qui vont dans la poche de l’État et une partie des frais de santé, le reste achète des produits de consommation importés.
L’argent ainsi engrangé ressort à 80% de l’économie locale (cash drain).
J’ai été généreux avec les frais scolaires. Parce que la réalité nous rattrape : beaucoup de nos frères (et soeurs, hein ? 😉) expatriés [je déteste le terme migrants] préparent leurs jeunes frères ou leurs enfants pour des études à l’étranger, si l’on suit la logique des rapports présentés plus haut.
Conséquence : sortie de capitaux (cash drain), fuite de cerveaux (brain drain).
Et comme Edmund Zar-Zar Bargblor je pense que :
Très souvent, les envois de fonds créent une culture de dépendance, où les membres de la famille qui les reçoivent ne sont pas vraiment intéressés à travailler. Leurs besoins fondamentaux étant couverts, ils n’ont pas besoin de chercher du travail.
Alors que faut-il faire ? Garder cet argent dans l’économie. Mieux, l’investir pour qu’il puisse rapporter des devises.
D’ailleurs, c’est quoi l’investissement ? C’est quoi, investir ?
En économie, un investissement est une dépense immédiate destinée à augmenter, à long terme, la richesse de celui qui l’engage.
Dans une entreprise, un investissement sert à augmenter la productivité (investir dans des machines supplémentaires ou des machines plus efficaces), à gagner du temps (investir dans un logiciel d’automatisation des tâches)…
Avant d’engager ce type de dépense, les entreprises anticipent le retour sur investissement à l’aide du ratio ROI (Return Of Invest) : ROI = [(gain de l’investissement – coût de l’investissement) / coût de l’investissement ] x 100.
En comptabilité, l’investissement se définit par une dépense amortissable qui augmente le patrimoine de l’entreprise (actif du bilan comptable). Le Plan Comptable Général classifie trois types d’investissements : l’investissement corporel, l’investissement incorporel et l’investissement financier.
Plus de détails dans cet article :
Ainsi, pour faire simple, investir c’est mettre de l’argent dans quelque chose qui vous en produira plus à court, à moyen ou à long terme.
C’est très simpliste, mais en gros c’est ça.
Alors pourquoi les investissements échouent ?
Ma première réponse a été celle-ci :
« Quand j’entends quelqu’un de la diaspora se plaindre qu’il a été empêché notamment par le gouvernement d’investir au Cameroun, je n’en doute pas. »
Je vais donc détailler point par point mon point de vue. [Ça fait beaucoup de points pour une seule phrase, hein ? 😜]
1. Ne pas connaître son marché
« L’une des règles simples quand on souhaite investir sérieusement, c’est de connaître son marché (tous les acteurs, pas seulement les consommateurs et les clients, car le marché c’est aussi l’État et les réglementations). Et beaucoup prennent cela à la légère. 📚 »
Commençons par définir le marché :
Marché : Un marché désigne la rencontre d’une offre (proposée sous forme de produits ou de services par un certain nombre d’entreprises) et d’une demande (consommateurs particuliers ou professionnels).
– La demande doit être solvable (pouvoir d’achat suffisamment élevé, prix adaptés), afin de permettre l’échange (transactions financières).
– Un marché comprend 5 acteurs principaux : les clients, les producteurs, les distributeurs, les infuenceurs et les régulateurs (législateur, organismes publics).
Source : https://www.e-marketing.fr/Definitions-Glossaire/Marche-238263.htm#BihjRbdZbz2UWxqd.97
Je suis assez surpris que jusqu’à aujourd’hui beaucoup d’études de marché ne prennent pas en compte les données psychographiques. C’est pourtant une donnée fondamentale à prendre en compte lors de la décision d’investir.
Mon autre surprise ce matin tient au fait qu’un certain nombre d’individus ne fait pas de corrélation entre le marché et le « système » [entendez gouvernance et institutions].
Les Camerounais sont surprenants. À chaque fois qu’une entreprise étrangère échoue, c’est forcément la faute de la corruption.
Sachez que la corruption existe partout. Connaître le marché = Connaître le système. Si vous ne l’avez pas compris, alors c’est grave.
Connaître le système est utile si :
1. On veut s’y conformer
2. On veut le contourner
Peu importe vos croyances, nous sommes dans un État de droit, et activer les bons leviers peut vous épargner bien des soucis.
Alors une étude de marché c’est quoi ?
Étude de marché : Une étude de marché est un travail de collecte et d’analyse d’informations ayant pour but d’identifier les caractéristiques d’un marché. Le terme d’étude de marché recouvre dans la pratique de nombreux types d’études de nature différentes.
Pour en savoir plus : https://www.definitions-marketing.com/definition/etude-de-marche/
Et après l’étude de marché, vous devriez être en mesure de dégager ces deux éléments :
- Votre proposition de valeur
- Votre business model (modèle économique)
2. La condescendance
« La condescendance avec laquelle nos frères de la diaspora reviennent au pays pour “nous apporter la lumière et nous sortir de la misère” est une attitude qui leur est préjudiciable. Ils ne viennent pas apporter une contribution à l’économie, en tant que tel, ils viennent et se positionnent en sauveur. 🙄 #ERREUR »
On dirait les mots d’un aigri, n’est-ce pas ? Oui, en effet. Mais je ne suis pas aigri, puisque l’on me propose des joint venture depuis l’Europe et qu’une partie de notre clientèle est internationale.
Je suis simplement réaliste. Un peu cynique, je l’avoue, mais réaliste.
Vous vous rappelez certainement que j’avais expliqué que :
Beaucoup de personnes échouent non pas parce qu’elles n’ont pas de bons projets, mais parce qu’elles entreprennent pour les mauvaises raisons.
Et c’est exactement cela. Ce qui conduit nos frères à venir avec des partenaires “étrangers” avec leurs grosses bottes et leur science infuse “révolutionner” les choses. Je ne mets pas forcément tous ceux qui réussissent dans ce schéma, notamment les « repats ». Je vous laisse en juger vous-mêmes à travers cette enquête de Inspire Afrika :
Je ne suis pas forcément d’accord avec les différentes approches, et ça a le mérite de fonctionner, mais pas toujours dans l’intérêt de l’Afrique. Je vous l’accorde, c’est un autre débat.
Une question d’ordre pratique.
Nous ne sommes pas le type de démocraties auxquelles nos « partenaires » européens s’attendent, c’est vrai. Avec « nos dirigeants de 90 ans sur des chaises roulantes qui se représentent pour un énième mandat » comme le soulignait encore Mo Ibrahim.
Mais, quand la diaspora sur ses différentes terres d’accueil est agressive envers les dirigeants Africains, à quel accueil s’attend-t-elle quand elle revient dans ses pays d’origine respectifs ?
Simplement pour plaire au « chef », un fonctionnaire trop zélé voudra probablement faire un exemple. Ce sont des choses qui arrivent. Et il y a une façon de contourner cela. Mais pour ça, il faut oublier son égo et mettre sa cape de super-héros de côté. Ce qui nous mène au point suivant.
3. L’accompagnement
« Qui les entoure ? À qui demandent-ils conseil ? Qui les accompagne dans leurs démarches ? 😒 »
Je suis designer. Alors c’est incongru de me demander comment se passe l’agriculture au Cameroun, parce que ça vous intéresse d’y investir. Vous voyez où je veux en venir ?
De plus en plus d’initiative d’accompagnement de la diaspora voient le jour. Et cela, peu importe le domaine.
Dans l’environnement européen, on peut citer le Club Efficience qui a une approche retour des cerveaux et canaux d’investissement de la diaspora en Afrique. Petit bémol en ce qui me concerne : Ils s’appuient sur les grands groupes européens.
À partir d’ici je vais citer des initiatives Camerounaises qui pourraient très bien avoir leur équivalent dans d’autres pays d’Afrique.
Grâce à notre maitrise des questions liées à l’entrepreneuriat en Afrique au sud du Sahara, nous nous sommes donnés pour mission d’accompagner les Camerounais du monde entier et tous les passionnés du Cameroun à la concrétisation de leurs projets au Cameroun en offrant des services de qualité.
https://www.adpm-investiraucameroun.com/
Dans l’immobilier, il y a la très jeune entreprise Khahyil Consult :
Riche de notre expérience dans la realisation de projets de construction majeurs au Cameroun, nous avons pris conscience des difficultés que peut rencontrer un particulier qui souhaite investir dans l’immobilier.
Et mes favoris, Hannibal Consulting.
Ils rendent l’investissement accessible à toutes les couches de la population. Une bonne occasion pour la diaspora d’investir dans des projets matures et viables à travers le financement participatif.
La garantie est simple : un groupe d’experts financiers et de gestionnaires rompus à la tâche étudient la viabilité du projet et “monitore” l’implémentation en veillant sur les intérêts de investisseurs et la prospérité de l’entrepreneur, contre une quote part dans les bénéfices.
C’est donc une option gagnant-gagnant-gagnant.
Comme j’aime à le rappeler, je ne suis qu’un homme, je peux donc me tromper. N’hésitez pas à apporter vos contributions dans les commentaires. ✊🏾