Ăa faisait longtemps que j’avais pas poussĂ© de coup de gueule contre les graphistes. đ Mais cette manie avec le design de logo doit changer.
Je suppose que vous avez vu au moins une fois ce genre de publication sur les réseaux sociaux :
Cher réseau, je viens de recevoir les différentes propositions de mon graphiste pour notre logo. Lequel préférez-vous ? »
Ou encore sur des fora ou des groupes professionnels :
Salut les cliqueurs ! Je viens juste de terminer le logo de mon client. Laquelle des quatre pistes suivantes serait-il susceptible de choisir ? »
Non, mais… SĂ©rieux ? đ
C’est une pratique qui m’a bousillĂ© trĂšs rĂ©cemment une relation de travail (prĂšs de 5000 âŹ) oĂč le client se plaignait que je ne lui avait pas fait au moins trois propositions pour qu’il choisisse. đ€
Je ne sais pas si les graphistes se rendent compte du tort qu’ils causent Ă l’ensemble de la profession, mais c’est trĂšs grave.
En fin d’annĂ©e, je suis allĂ© complĂštement en vrille, oui oui :
Mais je souhaite Ă travers cet article, mettre un peu d’ordre dans mes pensĂ©es. đȘ
Le concept en design
Dans la formation Design Graphique – Niveau 1 que je dispense depuis 2014 Ă la Lotin Corp. Academy, le module « Introduction Ă la communication visuelle » a pour Chapitre 4 « Conceptualisation et planification » qui pour moi, est la base que devrait possĂ©der tout bon graphiste. Je vous offre ce chapitre dans cet article.
C’est quoi la conceptualisation ?
D’aprĂšs Le Robert c’est l’action de former un concept ou d’organiser en concepts.
Vous entendez souvent concept art, concept car… On part gĂ©nĂ©ralement d’une idĂ©e de base que l’on dĂ©veloppe ensuite grĂące Ă des techniques d’idĂ©ation.
Pour illustrer mon propos (et cela pour ne pas ĂȘtre trop Ă©gocentrique) je vais partir sur la refonte de l’identitĂ© de Animal Planet par la firme Chermayeff & Geismar & Haviv.
Quand on voit le travail final, on a l’impression qu’ils ont fait 3 ou 4 propositions au client pour qu’il choisisse parmi ? đ
Voici les différentes étapes de conceptualisation pour ce logo :
On dit trĂšs souvent que le client est roi. Du coup, suite Ă ces contraintes, la firme devait seulement s’exĂ©cuter, mais :
Lorsque vous vous lancez dans un nouveau projet. Quelle est la premiĂšre chose Ă laquelle vous pensez ? Je dis, ne pensez pas à « Comment faire quelque chose que le client va accepter ou aimer ? ». Au lieu de cela, pensez à « Quelle est la meilleure chose que je peux faire pour ce projet ? ». Vous ĂȘtes l’expert, vous devez dĂ©terminer quelle est la meilleure chose pour eux [client]. Bien sĂ»r, nous le faisons de concert avec le client, en conversation avec le client […]
â Sagi Haviv, La responsabilitĂ© de l’expertise, Domestika
David Airey, l’auteur de Design Logo Love, avait l’habitude de prĂ©senter tous ses croquis au client. Il s’est avĂ©rĂ© que ce n’Ă©tait pas une si bonne idĂ©e. Ăa donne lieu Ă ce que j’appelle du design frankenstein.
Si nous sommes assis avec 100 Ă©bauches, dont peut-ĂȘtre 10 mĂ©ritent dâĂȘtre explorĂ©es plus avant et trois assez solides pour ĂȘtre numĂ©risĂ©es, que se passe-t-il lorsque le client, qui nâest pas un designer, est amenĂ© Ă choisir parmi les 100 ? Vous pouvez presque garantir que certaines ou toutes les 10 idĂ©es qui mĂ©ritent d’ĂȘtre dĂ©veloppĂ©es sont abandonnĂ©es. Alors quelle chance pour les trois plus solides ?
Câest notre travail de choisir les directions les plus distinctives et de montrer Ă nos clients uniquement les idĂ©es qui, selon notre formation, sont suffisamment bonnes pour fonctionner pour leur entreprise.
En partant du design de produit, c’est plus simple
Je suis un trÚs grand fan de Dieter Rams, et on a pu voir comment des concepts pour Braun ont été détournés par Jonathan Ive au profit de Apple, non ?
D’aprĂšs airfocus :
Un concept de design est l’idĂ©e centrale du design d’un produit, expliquĂ©e via une collection de croquis, d’images et d’une dĂ©claration Ă©crite. Cela aide les designers et, plus tard, les dĂ©veloppeurs Ă rester sur la bonne voie tout au long du processus de crĂ©ation, en s’assurant qu’ils mettent un produit sur le marchĂ© avec une valeur pour les utilisateurs cibles.
C’est ce qui pourrait ĂȘtre traduit en design stratĂ©gique par axe stratĂ©gique, qui sert de base pour le rationale.
J’aime bien l’approche de ArchKnow dans son article What is a design concept, how to master it :
Il existe de nombreux exemples de ce type de design exceptionnel issus d’excellents concepts. Une chose sĂ»re Ă noter est que tous les bons concepts sont simples, uniques et clairs. La mise en Ćuvre efficace des principes du design est toujours la clĂ© du succĂšs d’un concept.
Une chose que j’ai dĂ©couverte pour explorer les concepts et mettre le client Ă contribution dans le processus aprĂšs la phase initiale d’interview ou idĂ©alement de la session dĂ©couverte c’est les stylescapes.
C’est quoi, les stylescapes ?
BientĂŽt, je ferai un article beaucoup plus dĂ©taillĂ© sur le sujet. Mais je souhaiterais aujourd’hui expliquer le principe des stylescapes.
D’aprĂšs The Futur :
Les stylescapes sont une combinaison d’images, de textures, de typographie et de couleurs soigneusement collectĂ©s pour communiquer un certain aspect et une certaine sensation d’une marque, d’un site web, d’un espace intĂ©rieur ou de tout autre projet de design. ConsidĂ©rez-les comme des moodboards passĂ©s au niveau supĂ©rieur.
Les stylescapes comblent le fossĂ© entre vos idĂ©es et celles de vos clients. Ils aident Ă vous mettre tous les deux d’accord sur la direction du design avant de designer quoi que ce soit.
Les stylescapes Ă l’oeuvre :
Ă ce niveau (dĂ©veloppement de concept) vous ĂȘtes encouragĂ© Ă impliquer le client et Ă tenir compte de son feedback, mais aprĂšs la production du design, le brief est le seul juge. đ
Pourquoi on ne fait pas 3 propositions ?
Beh, parce que c’est pour les faibles. đ
Voici ma position au sujet des « propositions » en design :
En rĂ©alitĂ©, si on a rĂ©ussi Ă comprendre le brief, on n’a pas Ă s’Ă©parpiller de la sorte. Au lieu de propositions, on fait UNE SEULE recommandation, Ă la suite d’un processus itĂ©ratif.
Renseignez-vous sur l’approche de Paul Rand.
Ăa me surprendrai qu’un mĂ©decin fasse 4 ordonnances et laisse le soin au patient de choisir laquelle il va payer Ă la pharmacie. JDCJDR đ¶đŸââïžđ¶đŸââïž
Une des réponses :
Avoir plusieurs piste aide aussi Ă construire une vĂ©ritable identitĂ© qui collera mieux Ă la marque. Ătre force de proposition est une bonne chose. Imposer une proposition est fermĂ©e et sans saveur Ă la crĂ©ation de visuels plus poussĂ©s dans les idĂ©es. Et votre façon de rĂ©pondre est arrogante et rabaissante selon moi
Pour finir sur JDCJDR autant ne rien dire.
VoilĂ ce que j’ai rĂ©pondu :
Quand on veut des propositions, on va sur Upwork ou Graphiste.com ou 99design.
C’est normal d’avoir des pistes crĂ©atives pour soi, pour explorer au maximum le concept qu’on a dĂ©fini. Mais je le dis et je le rĂ©pĂšte, c’est pas au client de choisir.
Soit on sait ce qu’on fait, soit on change de mĂ©tier. đ
Oui, je sais. Je semble condescendant dans mes propos, mais cette affaire de jouer Ă la fĂȘte foraine avec le design de logo a failli faire perdre 5000 ⏠à mon agence.
Parce qu’on a refusĂ© de faire 3 propositions comme « tout le monde » đ€
C’est assez chaud, hein ? đ€
VoilĂ comment j’explique le fait de ne faire qu’une seule recommandation. Notez que je ne parle pas de proposition.
1. LEĂONS DE PAUL RAND & STEVE JOBS
Je lui ai demandĂ© sâil me proposerait quelques options, et il a rĂ©pondu :
Non, je vais rĂ©soudre votre problĂšme pour vous et vous me paierez. Et vous nâavez pas besoin dâutiliser la solution ! Si vous voulez des options, allez parler Ă dâautres personnes !
Mais je vais rĂ©soudre votre problĂšme pour vous de la meilleure façon que je sache, et que vous lâutilisiez ou non, cela dĂ©pend de vous, vous ĂȘtes le client. Mais vous me payez.
Jobs dit que le processus de Rand avait une « clartĂ© qui Ă©tait rafraĂźchissante ». Câest quelque chose dont chaque entrepreneur ferait bien de se souvenir : ne demandez pas dâoptions.
Vous embauchez quelquâun qui sait comment rĂ©soudre ces problĂšmes mieux que vous, tout comme vous embaucheriez un comptable ou un spĂ©cialiste du marketing.
2. LE DESIGN THINKING
Nous sommes une agence portée sur le design centré utilisateur. Raison pour laquelle nous adoptons une approche Design Thinking.
Le Design Thinking consiste à ouvrir le champ à toutes les solutions possibles pour ensuite sélectionner et affiner, sur un mode itératif, la meilleure solution au problÚme posé.
Câest cette mĂ©thode qui fonde la dĂ©marche centrĂ©e sur lâutilisateur et garantit lâinnovation plutĂŽt que la copie et la rĂ©plication de solutions existantes.
Dans son cours sur Domestika, Sagi Haviv nous a donnĂ© un accĂšs privilĂ©giĂ© au process de Chermayeff, Geismar & Haviv lors de la refonte d’identitĂ© pour Animal Planet dont je vous ai montrĂ© le final en dĂ©but d’article.
Mais pensez-vous sincÚrement que tous ces croquis ont été présentés au client ?
On a la mĂȘme dĂ©marche. On explore toutes les pistes possibles pour ne retenir que la meilleure possible (en fonction des insights disponibles).
Je voudrais terminer avec cette anecdote de la firme avec Conservation International : ils ont passĂ© un an Ă les convaincre que la recommandation de logo qu’ils ont rĂ©alisĂ©e Ă©tait la meilleure solution possible pour l’organisation.
Oui, un an Ă dĂ©fendre une recommandation. Alors, vous allez continuer Ă jouer Ă la roulette russe avec le business de votre client ? đ