#10YOLC : La rétention d’information, menace pour l’innovation et le développement

J’ai passé près d’une heure à chercher comment on dit « rétention d’information » en Anglais. Et j’ai fini par trouver : “information withholding”. J’ai failli croire que c’était le propre des cultures francophones et je me suis alors rappelé de cette vérité implacable :

Peu importent le continent et la couleur de la peau, aussi vrai que le sang qui coule dans nos veines est rouge ; la nature humaine est la même. Les particularités sont une disposition de l’esprit.

C’est des propos qui semblent existentialistes, non ? 😅

Contexte de rédaction

Je souhaiterais souligner le fait que je me suis toujours demandé pourquoi dans la vie courante ; de plus en plus de personnes cherchent de toutes leurs forces à garder l’information, la connaissance captive ? 🧐

Quand j’ai commencé à partager sur le métier de designer, j’ai été interpellé par des confrères en ces termes :

« Pourquoi tu partages nos secrets avec les gens ? »

Je répondais indolemment :

« Si c’étaient des secrets, ils ne seraient pas dans les livres. 💣»

J’ai toujours apprécié ceux qui ont à coeur de partager. Et dans chacun de mes reposts ces derniers temps, je mets ces hashtags #sharing_is_caring #teaching_is_sowing #for_our_future. Pour moi partager n’est plus un combat, mais une croisade. ✊🏾

Nous allons cependant faire la différence entre trois concepts : la rétention d’information, la confidentialité et la rétention de connaissance.

La rétention d’information c’est quoi ?

D’après Wikipedia [l’une des rares fois où je suis d’accord avec eux 😌]

La rétention d’information consiste à dissimuler une information ou son existence même ; afin qu’une personne, un ensemble de personnes ou une organisation, légitimement en droit de la connaître, n’en disposent pas.

Et quand on parle de confidentialité dans le cadre d’un contrat, ou d’une offre de service ; on fait allusion à la protection du secret.

La rétention d’information diffère de la protection du secret qui, elle, est ordinairement légitime comme protectrice d’intérêts particuliers.

Vous êtes rassurés ? On ne vous demande pas d’êtres des balances. 😜

C’est quoi la rétention de connaissances ?

Devrions-nous parler de cela en cette époque de l’économie de l’attention ? Où il y a une abondance d’information relative à des domaines aussi variés les uns que les autres ?

On nous présente une mine d’informations, mais nous avons le même pouvoir de traitement mental. Le nombre de minutes est également resté exactement le même tous les jours. Aujourd’hui l’attention, et non l’information, est le facteur limitant.
– Lexi Kane, The Attention Economy

Aussi, Idriss Aberkane dit :

La connaissance est disponible, il suffit de savoir où aller la chercher.

YouTube video

Je suis d’accord avec cette affirmation, mais comment savoir où chercher s’il n’y a personne pour nous guider ? Vous voyez le lien entre les deux notions ?

Dans leur étude, Anupam Kumar Das, Shimul Chakraborty de la University of Chittagong, Bangladesh présentent ainsi les faits :

Différents termes qui volent en éclats

Le monde de la gestion des connaissances comprend différents termes qui volent en éclats. Certains mots sont plus significatifs et fréquemment utilisés que d’autres.

Le partage et le transfert de connaissances sont parfois mesurés pour avoir un contenu qui se chevauche, et sont utilisés comme synonymes. Le transfert de connaissances entre les membres de l’organisation a suscité l’attention tant du monde universitaire, que des entreprises. Car la compétitivité des entreprises est directement liée à la diffusion de l’innovation par le biais d’une organisation.

Quels que soient les efforts déployés pour accroître le partage des connaissances dans les organisations, les succès ont été subtils. Il est assez clair que, dans de nombreux cas, les employés ne sont pas disposés à partager leurs connaissances ; même lorsque des pratiques organisationnelles sont suivies pour faciliter le transfert.

Comme la portée de l’innovation au sein d’une organisation dépend du transfert efficace des connaissances entre les membres, le présent document met l’accent sur le concept de rétention de connaissances. Ce concept est connu pour interrompre ce transfert ; et se distingue des concepts connexes (barrières de connaissances, dissimulation de connaissances).

Trouver une démarcation claire entre les concepts

Le but de cet article est de contribuer à la recherche de démarcations appropriées entre ces concepts.

Premièrement, pour prouver que le partage des connaissances et la rétention des connaissances sont des concepts distincts, on utilise la théorie à deux facteurs de Herzberg. Cette théorie explique la différence qui existe entre eux.

Deuxièmement, les études précédentes sur la gestion des connaissances sont exposées à une rétention de connaissances, non remarquée par courtoisie due au partage des connaissances ; ce qui entraîne un manque d’informations sur les précédentes.

Troisièmement, la rétention de connaissances est définie de deux manières distinctes :

  • la dissimulation intentionnelle
  • et la mise en réserve non intentionnelle de connaissances.

Enfin, les caractéristiques de la rétention de connaissances sont abrégées en fonction de quatre comportements territoriaux associés aux employés afin de préconiser des domaines d’étude plus poussés.

L’ère de l’économie de la connaissance

Ils continuent à l’introduction avec ceci :

À l’ère de l’économie de la connaissance et de la concurrence dynamique à l’échelle mondiale, l’innovation est devenue un objectif dominant pour assurer un avenir durable à une organisation qui dépasse ses homologues.

Le banquet de l’innovation entre membres d’organisations a suscité l’intérêt des universités et des organisations (Szulanski 1996; Jasimuddin 2007), car la compétitivité des entreprises est directement liée à la circulation de l’innovation au sein d’une organisation (Argote et Ingram, 2000).

Les initiatives d’innovation ont tendance à dépendre principalement des connaissances, des compétences et de l’expérience des employés dans le processus de création de valeur (Wang et Wang, 2012).

Le partage des connaissances entre les employés est parfois considéré comme la matière première la plus importante pour l’innovation.

Vous pouvez soit combiner les connaissances existantes d’une manière nouvelle, soit combiner des connaissances existantes avec des connaissances nouvellement découvertes (Schumpeter, 1939) et créer de nouvelles avancées.

Cependant, il est nettement évident que la capacité d’une entreprise à transformer et à exploiter les connaissances peut déterminer le niveau d’innovation, comme une nouvelle technique de résolution de problèmes, un nouveau développement de produits permettant de réagir à la demande du marché (Goh, 2002; Marina, 2007; Tidd et al., 1997), mais la diffusion de l’innovation au sein d’une organisation repose sur le transfert efficace de connaissances entre ses membres.

Schema de Rogers sur la diffusion de l’innovation

Patrimoine intellectuel

Les organisations ne « possèdent » pas le « patrimoine intellectuel » des employés ; et ne peuvent donc contraindre ni obliger les travailleurs à transférer leurs connaissances à d’autres membres de l’organisation (Kelloway et Barling, 2000).

Les connaissances au sens opérationnel se rapportent aux informations, aux idées et aux compétences liées aux tâches effectuées par les membres d’une organisation (Bartol & Srivastava, 2002). Selon Nonaka & Takeuchi (1995), de nouvelles connaissances sont générées par des individus. Et, si elles s’avèrent utiles, ces connaissances sont transmises à l’ensemble de l’organisation.

Les connaissances peuvent être classées de manière générale :

  • en connaissances implicites, qui traitent de la manière dont les tâches sont mises en œuvre au sein de l’organisation,
  • et en connaissances explicites, telles que des manuels de travail organisés (Polanyi, 1962; Tsoukas, 1996).

En particulier, les connaissances implicites sont partagées au sein de l’organisation via un processus d’échange entre les membres qui demandent des connaissances ; et ceux qui répondent à de telles demandes (Szulanski, 1996).

La recherche liée au savoir peut être divisée en études portant sur la création du savoir et sur la fourniture du savoir ; la rétention des connaissances appartient à cette dernière catégorie.

La rétention d’information a un coût

Nous avons tous ces moments où quelque chose sur laquelle nous travaillons reste bloquée dans l’attente des insights d’un autre membre de l’équipe.

Lorsqu’un collègue (ou confrère dans le cadre de l’entrepreneuriat) demande des informations ou des conseils, la plupart d’entre nous sont généralement heureux de partager notre expertise. Mais si nous ne demandons jamais, si nous sommes indisponibles ou si nous avons quitté la société pour commencer un nouveau travail ailleurs, nous ne pouvons pas partager ce que nous savons. Et cela conduit à des frustrations et à des inefficacités qui s’additionnent vraiment.

Ce rapport attribue une valeur monétaire à ces inefficacités. 1001 employés américains de divers secteurs ont été interrogés pour en apprendre le plus possible sur leurs expériences d’utilisation de la connaissance institutionnelle de leurs collègues. Le constat est que les entreprises souffrent de rétention de connaissances de deux manières. Premièrement, en rendant l’intégration des employés moins efficace. Et deuxièmement, en rendant le travail quotidien moins productif.

Les résultats sont stupéfiants.

Le coût de la rétention de connaissance, d’information

Besoin de plus pour être convaincus ? Lisez le rapport complet.

La rétention d’information ne vous avantage pas

Pourquoi tant d’entre nous cachent des connaissances ? Les recherches suggèrent que cela pourrait être parce que nous craignons de perdre le pouvoir. Ou m le statut obtenu grâce à la connaissance d’informations uniques. Parmi les autres raisons, citons :

  • identifier les connaissances comme notre propre propriété,
  • nous inquiéter d’être jugé par rapport à ce que nous savons,
  • ou ne pas aimer ou ne pas faire confiance fondamentalement à ceux qui nous le demandent ;
  • nous cachons des connaissances parce que nous craignons les coûts potentiels liés à leur partage.

Si ces coûts sont personnels, nous pouvons même retenir des connaissances pour nous protéger. Et nous attendre à obtenir ou à conserver un avantage en le faisant. Mais si cela favorise ou non notre réussite a été sujet à caution, jusqu’à récemment.

Voici les découvertes de Zhou (Joe) Jiang dans son article Why Withholding Information at Work Won’t Give You an Advantage :

Dans le cadre de nos recherches, mes collègues et moi-même avons cherché à répondre à la question suivante : le fait de cacher des connaissances protège-t-il vraiment et profite-t-il à ceux d’entre nous qui le font ? Nous avons mené trois études pour déterminer si, et comment la rétention de connaissances se retournait contre nous. Et, selon nos conclusions, la réponse est non.

Première étude sur la rétention d’information

Dans notre première étude, nous avons interrogé 214 employés chinois à plein temps dans divers rôles professionnels. Des personnes notamment la recherche et le développement, le management, la comptabilité, les ventes et les ressources humaines. Nous nous sommes servis d’un questionnaire en ligne.

C’est ainsi que nous leur avons fourni une liste de 12 comportements différents de dissimulation de connaissances. Notamment transmettre des informations inexactes, et faire semblant de ne pas savoir de quoi les autres parlent et refuser directement de les partager. Nous avons ensuite demandé aux travailleurs dans quelle mesure ils avaient adopté chaque comportement sur une échelle de sept points, sept indiquant le plus fort engagement et un, le plus faible.

De plus, les répondants ont été évalués sur le niveau de sécurité psychologique qu’ils ressentaient au travail. Cette évaluation était basée sur le fait que leur environnement de travail était menaçant, sur le fait qu’ils se sentaient en sécurité et sur leur capacité à s’engager dans des interactions sociales.

Enfin, les répondants ont indiqué dans quelle mesure ils s’épanouissaient dans leurs rôles, définis comme apprendre de nouvelles choses et être vitaux et énergiques.

17% moins de chances de réussir au travail

Nous avons constaté que les personnes qui dissimulent des connaissances ont environ 17% moins de chances de réussir au travail ou d’apprendre et de progresser.

Nous pensons que cela est dû au fait que cacher des connaissances à des pairs ne crée pas un avantage concurrentiel.

Au contraire, les employés se sentent psychologiquement peu sûrs. Comme le suggéraient des recherches antérieures, en l’absence de sécurité psychologique, il peut être difficile pour les employés de se concentrer sur des tâches, de développer des relations significatives et d’explorer de nouvelles méthodes de travail sans craindre d’être punis pour des erreurs ou des échecs.

Dans ces situations, les employés ont souvent du mal à conserver une attitude positive et à participer à des opportunités d’apprentissage.

Les résultats de notre première étude nous ont poussés à approfondir le sujet. Nous voulions savoir si les effets pervers de la dissimulation de connaissances se produisaient également dans des cultures professionnelles en dehors de la Chine.

Deuxième étude sur la rétention d’information

Nous avons mené une deuxième étude auprès de 392 travailleurs à plein temps, principalement d’Europe et d’Amérique du Nord, employés dans divers domaines, notamment l’éducation, la vente au détail, l’hôtellerie, la santé, la fabrication, les transports et autres.

Afin d’explorer plus en profondeur les effets de la sécurité psychologique sur la dissimulation des connaissances, nous avons affiné la conception de l’étude et demandé aux participants de répondre à deux questionnaires en ligne, espacés de deux semaines.

Dans la première, ils ont rapporté des comportements de dissimulation de connaissances et des niveaux de sécurité psychologique au travail, exactement comme les participants à notre étude initiale. Deux semaines plus tard, ils ont à nouveau signalé ces mêmes variables et indiqué à quel point elles étaient florissantes.

Moins de sécurité psychologique au travail

Nous avons constaté que les employés qui dissimulaient des connaissances ressentaient moins de sécurité psychologique au travail deux semaines plus tard. Cependant, ceux qui se sentaient psychologiquement peu sûrs au début n’augmentaient pas les comportements de dissimulation de connaissances.

Nous avons conclu qu’un environnement de travail psychologiquement dangereux ne conduit pas les gens à la dissimulation de connaissances, pas plus qu’un environnement de travail psychologiquement sûr n’empêche les personnes de la dissimulation de connaissances.

Cependant, le fait de cacher des connaissances fait que les personnes ne se sentent pas psychologiquement moins en sécurité au travail et, par conséquent, elles auront moins de chances de s’épanouir.

Troisième étude sur la rétention d’information

Pour consolider ces informations, nous avons mené une troisième étude auprès de 205 employés de trois organisations chinoises des secteurs aérien, postal et éducatif. Le but de cette étude était de déterminer si les dissimulateurs de connaissances souffrent davantage lorsqu’ils ont une attitude cynique à l’égard de leur organisation.

Nous étions curieux de savoir si le cynisme et les secrets cachés interagissaient de quelque manière que ce soit pour influencer la sécurité psychologique des employés et leur prospérité. Comme dans la deuxième étude, deux enquêtes ont été recueillies dans un intervalle de temps de deux semaines.

Toutefois, cette fois-ci, cinq éléments ont été ajoutés à la première enquête pour tester l’opinion des employés sur leur environnement de travail. Nous avons demandé aux répondants dans quelle mesure ils étaient d’accord avec des déclarations telles que « Il est difficile d’espérer en l’avenir, car les membres de mon organisation ont une attitude si mauvaise » et « J’ai à peu près renoncé à essayer de suggérer des améliorations dans mon organisation. » La deuxième enquête ne portait que sur des questions relatives à la prospérité.

Souffrance et mise en garde

Nous avons découvert dans les deux premières études que les dissimulateurs de connaissances souffrent. Mais nous avons également trouvé une mise en garde. La dissimulation de connaissances risquait davantage de se retourner contre les auteurs lorsque leur auteur était cynique à propos de son organisation.

Lorsque les répondants qui dissimulaient des informations étaient également cyniques à l’égard de leur organisation (par exemple, ceux qui estimaient que l’organisation manquait d’honnêteté, d’équité, d’intégrité ou voyaient des problèmes graves et insolubles dans leur entreprise), avaient une perception plus forte de l’insécurité, et par conséquent des difficultés à prospérer.

En revanche, les dissimulateurs de connaissances qui n’étaient pas cyniques envers leurs organisations ne se sentaient pas aussi en danger après avoir retenu des informations. Au contraire, il leur était plus facile de trouver des moyens de prospérer, peu importe. Notez, cependant, que nos résultats n’indiquent pas qu’un faible cynisme empêche les gens de dissimuler des connaissances en premier lieu.

Alors, que pouvons-nous faire pour lutter ?

Nous savons maintenant que cacher des connaissances est beaucoup plus préjudiciable lorsque ceux qui les cachent ont une attitude négative envers leur organisation ; par opposition à une attitude positive.

Une solution consiste donc pour les entreprises à travailler au développement de cultures. Cultures dans lesquelles leurs employés se sentent à l’aise de parler ouvertement de leurs préoccupations. Si vous parvenez à résoudre les problèmes qui rendent vos travailleurs cyniques, vous pouvez commencer à regagner leur confiance. Et aider à atténuer une partie de ce cynisme.

Je recommande aux organisations de recourir à des sondages anonymes tiers pour déterminer si, et pourquoi, leur personnel a une attitude cynique. Ces avis peuvent être utilisés pour concevoir et mettre en œuvre des pratiques ciblées. Elles garantiront que le lieu de travail est juste, digne de confiance et plein d’espoir. Les entreprises devraient également investir dans l’enseignement aux responsables sur la manière de reconnaître les signes d’employés en difficulté ; et d’entamer des discussions difficiles sur les raisons.

Enfin, il est utile d’éduquer vos gens sur les conséquences de la dissimulation de connaissances.

Ceux qui dissimulent des informations pour se protéger risquent de ne pas comprendre qu’ils agissent réellement contre leurs propres intérêts.

Utilisez des formations, des lettres d’information, des tableaux d’affichage et d’autres canaux de communication pour diffuser cette information.

Rétention d’information et changement

Faire ces changements ne sera pas facile. La dissimulation des connaissances est largement répandue sur le lieu de travail et il faudra du temps pour y remédier. Mais soyez patient. La première étape consiste à reconnaître cette réalité et à partager ce que vous avez appris avec d’autres personnes. Afin que nous puissions apporter les changements nécessaires pour améliorer le problème ensemble.

Je vous laisse avec cette citation de Amadou Hampâté Bâ que j’ai piquée sur le site de Idriss Aberkane :

Le savoir est la seule richesse que l’on puisse entièrement dépenser sans en rien la diminuer.

Ne serait-ce pas merveilleux si nous partagions tous ? ✊🏾

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