Féru de bande dessinée et de polar, j’ai retrouvé mes deux passions de lecture dans Soda.
Chaque tome de la série raconte une histoire indépendante des autres titres, bien que les personnages principaux restent les mêmes (Soda, sa mère, ses collègues policiers). Elle se conclut aussi de la même manière : une vue de l’ascenseur, la « frontière » entre ses deux vies.
Synopsis
Fils unique de Joseph Nathanael Solomon et Mary Mc Intyre, Soda est un policier new-yorkais taciturne et efficace. Pour ménager sa mère, à la fois cardiaque et très croyante, il lui a fait croire qu’il n’était qu’un paisible pasteur un peu peureux.
Après la mort violente de Joseph, père de David et sheriff de Providence (AZ), Mary, bouleversée, se réfugie chez son fils à New York, au 416 Church Avenue, Manhattan. Incapable de lui avouer qu’il est devenu lui-même policier, David continue de lui jouer la comédie.
Habitant au vingt-troisième étage, il a appris à se changer en moins d’une minute tous les matins dans l’ascenseur pour quitter son faux costume de ministre du culte et redevenir le glacial lieutenant Soda.
David envisage régulièrement d’avouer à sa mère sa véritable identité, mais à chaque épisode, une circonstance nouvelle l’en empêche ou le convainc de repousser cette douloureuse confession à plus tard.
Je devais avoir 13 ou 14 ans quand j’ai découvert la série au Centre Culturel Français de Douala (actuel IFC de Douala) dans le rayon jeunesse. J’ai littéralement dévoré le tome 1, en couverture de l’article : il m’a fallu à peine 15 minutes.
Pourquoi j’ai accroché ?
La qualité des dessins et surtout l’histoire : super originale.
Il y a des africains et même des camerounais qui ont publié des BD, pourquoi je parle d’une BD Belge alors ? Mais parce que la BD a été inventée là-bas, pardi (rires!).
Plus sérieusement, parce que cette BD est spéciale, elle a produit en moi un déclic, celui de l’écriture, et a réveillé une passion presque abandonnée, le dessin.
Cette BD est en quelque sorte ce qui a posé les bases de ce que je voulais devenir plus tard : un artiste.
Je n’en suis peut-être pas un aujourd’hui, mais je suis ce qui s’en rapproche le plus : un designer.
C’est la raison pour laquelle jusqu’aujourd’hui dans mes créas pour Lotin Corp. ou à mon propre compte, j’aime autant raconter des histoires. Surtout depuis que j’ai découvert le storytelling (ou design narratif).
Dans son livre Computer as Theatre, la designer et théoricienne américaine Brenda Laurel propose un modèle alternatif et original pour décrire le design d’interaction.
Laurel compare l’interaction au théâtre, au drame dans lequel s’affrontent différents agents (terme qu’elle emprunte à la Poétique d’Aristote, en le préférant à acteurs). L’interaction entre l’homme et la machine ne doit pas être envisagée comme un simple rapport fonctionnel de demande/réponse, mais comme une suite d’actions et de dialogues.
Le design d’interaction se configurerait alors comme la conception et l’écriture d’une fiction – où le programme est un scénario et l’interface la scène. Le designer doit donc d’abord définir une intrigue (plot), spécifier ensuite les caractéristiques des personnages et des situations, puis simuler des accidents qui modifient le cours de l’action :
Concevoir des actions signifie concevoir ou influencer les types d’accidents et l’ordre dans lesquels ils pourraient intervenir.
Est-ce réellement du divertissement ?
N’allez pas croire que les meilleurs designers du monde sont tout le temps scotchés à leurs écrans pour le boulot.
Il existe un moment où on doit apprendre à se relaxer, à voir autre chose d’inspirant, à se prendre une claque visuelle ; pour revenir sur le clavier et la souris (ou la tablette) plus motivé que jamais.
Car la manière dont doit se percevoir le divertissement doit être définie : en tant que designers, nous ne voyons pas les choses de la même manière que tout le monde !
Je me rappelle une fois m’être assis pendant trois semaines à regarder du premier James Bond au dernier, deux fois de suite, pour étudier les titrages d’ouvertures et les insertions publicitaires. Peut-être publierai-je un post sur ce sujet.
(en)quête d’inspiration
Je ne me rappelle malheureusement plus du designer qui a dit :
Passez moins de temps à regarder ce que font les autres designers sur Dribbble ou Behance, et travaillez !
Certains prendraient ça pour de l’arrogance, mais ce que je comprends c’est :
A force de regarder tout le temps ce que font les autres, on finit par les copier, sans comprendre les motivations derrière les choix qu’ils ont faits.
Pour moi, l’inspiration se trouve dans les choses qu’on aime, comme la musique, ou le cinéma ou encore la télévision (où certaines séries ont des budgets aussi gros que ceux des grandes productions hollywoodiennes).
En musique par exemple, les grands guitaristes de jazz n’écoutent pas tout le temps d’autres guitaristes de jazz ; ils préfèrent écouter des musiciens jouant à d’autres instruments comme du piano, du saxophone ou même du violon, et si possible, dans des registres différents du leur.
La même chose devrait s’appliquer au design.
De l’importance de la lecture
Je suis paresseux de nature, je préfère les lectures simples ; mais parfois, je suis obligé de me compliquer la vie : lire du marketing, de la publicité, de la communication, du design et même du management, comme quoi, on n’échappe pas facilement à ses obligations.
Mais quand on aime ce qu’on fait, on réussit à s’amuser en travaillant.
Beaucoup de mes étudiants lorsqu’ils commencent la formation sont déçus à 95% du fait que l’accent soit mis sur la lecture, l’étude et la compréhension des principes fondamentaux du design. Et parfois, quand je leur dis :
Le bon design se conçoit à partir de la lecture !
Ils me regardent comme un fou, jusqu’au jour où ils réalisent ébahis, leur première maquette avec une facilité déconcertante ; et commencent à se dire « il n’est peut-être pas aussi nul qu’on le croyait, ce mec ! ».
Je pars du principe de Richard Poulin, tel qu’expliqué dans Les fondamentaux du design graphique :
Quiconque tente de communiquer dans une nouvelle langue doit d’abord en posséder les bases — définitions, fonctions et emploi.
Le travail d’un graphiste reconnu repose d’abord sur une compréhension des bases de la conception graphique. Tout au long de la formation et de la carrière d’un graphiste, ces éléments lui servent constamment de repères pendant sa recherche d’inspiration, et constituent le point de départ de toute activité efficace.
Soda est disponible sur le site des Editions Dupuis. En bonus une vidéo annonçant le tome 13, passionnant :
Dans le prochain post de la catégorie Livres, je souhaiterais parler du livre qui a complètement changé ma façon de voir ce métier, et m’a permis de me rendre compte que le monde est tellement magnifique et vaste, qu’il n’attend que d’être découvert.
Ce livre m’a enseigné l’ouverture d’esprit…
Alors, arrêtez de stresser et commencez à lire !