L’art et l’écriture sont à l’origine du graphisme tel que nous le connaissons aujourd’hui. Beaucoup diront que je ne me base sur rien pour l’affirmer, et pourtant.
Il existe des preuves archéologiques et historiques pour nous éclairer sur le sujet.
Pour la plupart, nous ne savons pas à quoi renvoie l’expression :
Afrique, berceau de l’humanité.
Et pour beaucoup d’entre nous qui avons grandi et fait nos études sur le continent, il nous a été systématiquement martelé que l’histoire de l’Afrique était basée sur la transmission orale. Ce que nous comprenions comme :
Les africains n’écrivent pas. Les africains n’ont pas écrit eux-mêmes leur histoire.
Déjà, comment pouvions-nous savoir autre chose ? Quand avant cela, il nous a été enseigné que c’est l’Européen qui nous introduit à la civilisation ?
Oui, certains seront tentés de me traiter d’afrocentriste, et je ne m’en offusquerai pas. 😂
Sources africaines historiques écrites
D’après le Pr H. Djait, dans Histoire générale de l’Afrique, Tome 1 :
Appréhender donc l’histoire africaine comme un tout et jeter, dans cette perspective, un regard sur ses sources écrites demeure une entreprise délicate et singulièrement difficile. […]
Cela dit, nous décomposerons l’époque sous étude en trois tranches principales, compte tenu de la double nécessité de diversité et d’unité : — l’Antiquité jusqu’à l’Islam : Ancien Empire jusqu’à + 622 ; — le premier âge islamique : de + 622 au milieu du XIe (1050) ; — le second âge islamique : du XIe au XVe siècle.
Certes, ici, la notion d’Antiquité n’est pas comparable à celle en honneur dans l’histoire de l’Occident, dans la mesure où elle ne s’identifie que partiellement à l’Antiquité « classique » ; elle ne s’achève pas avec les invasions barbares, mais avec l’irruption du fait islamique.
Mais, précisément, par la profondeur et l’ampleur de son impact, l’islam représente une rupture avec un passé qu’on pourrait appeler antique, préhistorique ou protohistorique selon les régions. C’est un fait aussi que, depuis l’époque hellénistique, la majeure partie de nos sources antiques sont écrites en grec et en latin.
Voici un tableau récapitulatif des sources écrites sur l’histoire de l’Afrique. Les sources africaines les plus anciennes en leur possession pour leur étude, remontent à l’année -2065 (Moyen Empire) : les Papyri hiératiques Ostraka.
Cette partie était destinée à cette déclaration du magnifique article de Graphéine sur le design graphique en Afrique :
À première vue, le métier de designer graphique semble rarement associé au continent africain. Question de culture et d’histoire.
L’importance de la tradition orale, ainsi que la domination récente des langues européennes par le colonialisme, ont conduit à l’idée très répandue que les langues africaines dans leur ensemble n’avaient pas de formes écrites ou que celles-ci n’avaient été conçues que très récemment.
Je vous conseille de lire cet article qui fait un excellent résumé du livre Afrikan alphabets du Pr Saki Mafundikwa. Où il explique les langues Africaines… écrites.
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L’origine de l’alphabet
Voici ce qu’on peut lire sur le site de l’université de Shippensburg (Pennsylvanie) :
« L’alphabet original a été développé par un peuple sémitique vivant en Égypte ou à proximité.*
Ils l’ont basé sur l’idée développée par les Égyptiens, mais ont utilisé leurs propres symboles spécifiques. Il a été rapidement adopté par leurs voisins et parents à l’est et au nord, les Cananéens, les Hébreux et les Phéniciens.
Les Phéniciens ont répandu leur alphabet à d’autres peuples du Proche-Orient et d’Asie Mineure, ainsi qu’aux Arabes, aux Grecs et aux Étrusques, et aussi loin à l’ouest que l’Espagne actuelle. Les lettres et les noms à gauche sont ceux utilisés par les Phéniciens. Les lettres à droite sont des versions antérieures possibles.
Si vous ne reconnaissez pas les lettres, sachez qu’elles sont depuis inversées (puisque les Phéniciens écrivaient de droite à gauche) et souvent tournées sur le côté ! »
* Jusqu’à récemment, on croyait que ces personnes vivaient dans le désert du Sinaï et ont commencé à utiliser leur alphabet dans les années 1700 av. En 1998, l’archéologue John Darnell a découvert des gravures rupestres dans la « Vallée des Horreurs » du sud de l’Egypte qui repoussent l’origine de l’alphabet aux années 1900 avant JC ou même avant. Les détails suggèrent que les inventeurs étaient des sémites travaillant en Égypte, qui ont ensuite transmis l’idée à leurs proches plus à l’est.
Si vous êtes plus curieux, vous pouvez lire cet article assez détaillé sur le site du Smithsonian, qui corrobore ces sources.
Ici, vous pourrez voir une timeline de l’Alphabet dans le monde, en commençant 32 siècles Av. JC.
L’art préhistorique Africain
Par le Pr Y. Ki-Zerbo, dans Histoire générale de l’Afrique, Tome 1 :
Dès que l’homme apparaît, il y a des outils, mais aussi une production artistique. Homo faber, homo artifex. Cela est vrai de la préhistoire africaine. Depuis des millénaires, les reliques préhistoriques de ce continent sont soumises à des dégradations du fait des hommes et des éléments. Les hommes, dès la Préhistoire, ont parfois perpétré des destructions dans un but d’iconoclastie magique.
Les coloniaux civils ou militaires, les touristes, les pétroliers, les autochtones se livrent toujours à ces déprédations et « pillages éhontés » dont parle L. Balout dans la préface de la brochure de présentation de l’exposition : « Le Sahara avant le désert ».
En général, l’art préhistorique africain orne l’Afrique des hauts plateaux et des massifs, alors que l’Afrique des hautes chaînes, des cuvettes et des bassins fluviaux et forestiers de la zone équatoriale est incomparablement moins riche dans ce domaine.
Périodes
Si l’on veut classer les trouvailles de l’art préhistorique en séquences temporelles intelligibles, la première approche doit être géologique et écologique, puisqu’aussi bien c’est le milieu, plus contraignant qu’aujourd’hui pour des peuples alors plus démunis techniquement, qui posait et imposait le cadre général d’existence.
Le biotope, en particulier, conditionnait la vie des espèces représentées, y compris de l’homme lui-même, de ses techniques et de ses styles. S’il est vrai que, selon l’expression de J. Ruffie, « l’homme à l’origine a été un animal tropical » africain, les conditions boréales tempérées après les grandes glaciations ont permis une colonisation humaine de l’Europe, qui a culminé dans le splendide épanouissement de l’art des galeries souterraines il y a 40 siècles. L’art pariétal africain est bien postérieur.
Certains auteurs comme E. Holm pensent que ses origines datent de l’Epipaléolithique ; mais il a marqué essentiellement le Néolithique. Le Néolithique saharien, d’après les trouvailles récentes, s’avère d’ailleurs de plus en plus ancien. Un gisement néolithique à poteries du Hoggar a été daté au C 14 de 8450 ans BP [Before Present]. Il est donc pratiquement contemporain du Néolithique du Proche-Orient.
On a pris l’habitude de baptiser les grandes périodes de l’art pariétal par le nom d’un animal qui sert alors de repère typologique : quatre grandes séquences ont été ainsi caractérisées par le bubale, le boeuf, le cheval et le chameau.
Techniques
Les gravures En général, elles sont antérieures aux peintures là où ces dernières existent aussi, et leur technique la plus admirable apparaît dans les plus hautes périodes. Elles sont réalisées sur des roches gréseuses moins dures, mais aussi sur des granites et des quartzites, avec une pierre appointée frappée au percuteur néolithique, dont certains exemplaires ont été trouvés dans les parages des tableaux.
Les peintures
Elles ne doivent pas être dissociées entièrement des gravures. A Tissoukai par exemple, on voit sur les parois des esquisses gravées qui laissent supposer que les artistes gravaient avant de peindre. Ici aussi, l’art nécessitait parfois des exploits sportifs (peintures sur 9 mètres).
Les bijoux
L’art des parures n’exige pas une technique moins avancée, au contraire. Certaines perles sont en cornaline, roche extrêmement dure. Les débris laissés par les joailliers d’alors, à plusieurs étapes de leur travail, permettent de reconstituer celui-ci.
La poterie
Les pâtes pour la céramique étaient apprêtées avec un liant constitué de déjections de ruminants. Elles étaient ensuite montées « au colombin », c’est-à-dire avec un boudin de pâte enroulé sur lui-même et travaillé aux doigts et au lissoir. Les cols de ces vases sont multiformes : galbés en boudin, évasés, déversés, déjetés.
La sculpture
La sculpture n’est pas absente non plus. Elle porte cependant sur des miniatures : un ruminant couché, dans l’Oued Amazzar (Tassili) ; un boeuf couché à Tarzerouck (Hoggar) ; à Adjefou, un petit lièvre aux longues oreilles rabattues sur le corps ; une tête saisissante de bélier à Tamentit du Touat ; une pierre sculptée anthropomorphe d’Ouan Sidi dans l’erg oriental ; une tête de chouette splendidement stylisée à Tabelbalet ; à Tin Hanakaten, des figurines d’argile représentant des formes stylisées d’oiseaux, de femmes, de bovidés dont l’un porte encore deux brindilles en guise de cornes.
Ainsi l’Afrique n’aurait que des sources orales ?
En réalité, le titre de cet article n’était qu’un prétexte pour rappeler l’importance historique de l’Afrique dans le métier que nous avons choisi de faire aujourd’hui : le design graphique.
Après la préhistoire, nous allons passer directement à l’ère moderne. Mais avant, nous allons résumer avec les propos de Meggs et Al. (1998) :
En accord avec la littérature historique, la communication visuelle a pris pas moins de 30 000 ans pour évoluer. Le rôle de la communication visuelle et la fonction de communication se sont développés lentement : les peintures rupestres réalisées entre 15 000 et 10 000 Av. JC, l’invention de l’écriture avec des pictogrammes en Mésopotamie (3 100 Av. JC), l’invention du papier et l’impression en relief chinoise (second siècle Ap. J-C), l’amélioration des anciennes enluminures médiévales (8 siècles Ap. JC), la percée des fontes mobiles en Europe (1450 Ap. JC). Tout ceci a contribué à ce développement.
Après la percée des fontes mobiles en 1450
Petite précision, l’imprimerie existait avant Gutenberg. Il n’a pas inventé l’imprimerie, mais il l’a révolutionnée avec son propre système.
L’origine du système d’imprimerie de Gutenberg demeure floue. Certains historiens, comme J.-A Delaure, pensent que le grand frère de Johannes Gutenberg, Jean Gensfleisch, travaillait dès 1430 pour Laurent Coster, un moine sacristain qui maîtrisait déjà l’imprimerie en utilisant des caractères mobiles en bois. À la même époque, Johannes Gutenberg était apprenti orfèvre à Strasbourg. Il se spécialisait dans les alliages et la ciselure des métaux. En 1450, il se lance dans un nouveau projet qui va révolutionner l’imprimerie, et sera étroitement lié au développement de l’humanité.
Lisez toute l’histoire sur Futura Sciences.
Si vous voulez voir à quoi ressemblait le travail d’imprimerie à l’époque de Gutenberg, je vous invite à regarder cette magnifique vidéo sur un atelier traditionnel d’imprimerie :